jeudi 21 mars 2013

Aime moi (4)

-    Enfin seuls… dit-elle dans un soupir de soulagement.
-    C’est toi qui voulait venir chez moi… répondit Antoine sur la défensive.
-    Je ne te reproche rien, j’aime beaucoup tes parents tu le sais… Mais ça fait plaisir aussi de se retrouver seule avec toi. Après tout ce temps…
La voix de Lucie s’étrangla. Elle n’osa pas croiser le regard d’Antoine, de peur peut-être d’y trouver des reproches.  Pour couper court à cette angoisse soudaine, Antoine mit un cd de Jean Ferrat dans sa chaîne Hifi, et les premières notes de  Que serais-je sans toi  envahirent la pièce.
-    Tu joues encore ? demanda Lucie comme pour sortir de son silence.
-    Je compose deux fois plus depuis que tu es partie…
-    Alors je m’en vais…
Le sourire aux lèvres, elle fit mine de s’éloigner. Il l’attrapa par les hanches, la souleva et la fit retomber sur le lit. Ils éclatèrent tout deux de rire, et se regardèrent avec toute la tendresse qu’ils se portaient l’un et l’autre.
-    Joue pour moi s’il te plait… lui demanda-t-elle en essuyant les larmes au coin de ses yeux.
-    Bon alors je coupe Ferrat, j’espère qu’il ne m’en voudra pas…
Antoine chercha la télécommande, puis sa guitare. Il s’installa en face de Lucie, en tailleur sur le lit. Il chercha son regard et se plongea dedans. Quelques accords, deux trois arpèges, il se mit à chanter. Lucie ferma les yeux, et se laisser porter par les douces paroles de son ami.
Une petite douleur au fond de mon cœur
Juste là cachée,
Futile mais réelle,
Belle mais inutile,
Secrète…
Une petite douleur au fond de mon cœur,
Pas de larmes, pas de cris,
Juste un sourire qui faiblit,
Mais l’espoir,
Encore…
Une petite douleur au fond de mon cœur,
Une blessure, petite torture,
De l’amour sans doute,
Beaucoup d’amour,
Si fort…
Une petite douleur au fond de mon cœur,
Une absence si grande,
Une attente fidèle,
Un besoin d’elle,
Immense…
Une petite douleur au fond de mon cœur,
Juste là, inutile,
Réelle,
Futile,
Secrète, mais vraie…
La chanson se termina sur un accord mineur. Le silence s’installa entre les deux anciens amants. Alors Lucie décida qu’il était temps.
-    Je sais que j’ai eu tort…
-    Et si on faisait comme si de rien n’était ?
-    Tu es toujours aussi peu courageux Antoine. Et pourtant… Pourtant tu es artiste, tu sais prendre en photo la lumière, tu sais jouer de la musique à merveille, tu es champion de natation… De quoi as-tu peur ? Qu’est-ce qui te pousse encore à rester chez toi à vingt-trois ans ? Pourquoi m’as-tu attendu ?
-    Ca ne t’est jamais venu à l’idée que je puisse t’aimer plus fort que tout ? Que mes passions devant ton amour, c’est de la rigolade ? Que mon seul et unique rêve était de passer ma vie entière avec toi ?
-    On avait 15 ans Antoine…
-    Tu m’as aimé ? Tu m’aimes encore ou pas ?
Le cœur d’Antoine s’affolait. Il ne fallait surtout pas la blesser, elle avait l’air d’un petit ange trop fragile pour ces mots là. Surtout, surtout ne pas se disputer…
-    Quand ma mère est décédée à son tour, j’ai pensé que plus jamais je ne saurais aimer. Alors je suis partie.
-    Et qu’as-tu fais pendant ces trois ans ?
-    Je te promets que tu le sauras.
-    Et pourquoi es-tu revenue ? demande Antoine.
-    Parce qu’il fallait que tu comprennes… répondit Lucie.
Antoine était loin d’être satisfait de ces réponses. Mais à quoi bon insister ? Lucie avait toujours aimé garder une part de mystère, c’était ainsi qu’elle avait su le séduire. Il prit à nouveau la télécommande et ralluma sa chaîne.
-    Voici mes toutes dernières compos au piano. Tu es la première à les entendre…
Les notes de musique envahirent à nouveau la chambre. Allongés l’un en face de l’autre, ils se regardèrent longuement. Puis Antoine déposa un baiser sur les lèvres de Lucie. Comme elle ne bougea pas, il lui glissa à l’oreille quelques mots doux, caressa sa nuque, ses joues… Lucie lui rendit ses caresses, ses baisers… Ils firent l’amour, lumière éteinte, en silence, les visages humides des larmes qui coulaient sans contrôle. Lorsque quelques heures plus tard ils s’endormirent, blottis l’un contre l’autre, Antoine glissa un dernier mot à l’oreille de Lucie : « pourquoi ? ».

[A suivre...]

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