Comme un nouveau feeling avec ce nouveau roman. Eh oui, encore un. Celui là me plaît vraiment, les personnages sont clairs dans ma tête, je sais où je veux aller et comment y aller. Il n'y a plus qu'à espérer que ça vous plaise ! Bonne lecture !
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Lucie préparait ses valises, en silence. Elle fit plusieurs fois le tour de la petite chambre d’étudiante qu’elle occupait depuis près de quatre ans. Jetant de fréquents coups d’œil à sa montre, elle s’appliquait à ranger méthodiquement les pantalons, puis les chaussettes, les pulls et la trousse de toilette dans le sac rouge posé sur son lit. Vingt-deux ans de vie dans une valise à roulette et un sac à main noir. Celui-là, c’était Antoine qui lui avait offert. Le seul fait de penser son nom lui donna des frissons, et, pour la première fois depuis le début de son projet, elle sentit la peur lui taillader le ventre. Elle regarda une dernière fois autour d’elle, puis dans un soupir claqua la porte et ferma à double tour.
A cet instant, Antoine ouvrit la porte du réfrigérateur, sortit le jus de pomme que son père s’appliquait à fabriquer chaque automne, se servit un verre et se dirigea vers la fenêtre. Des champs, des champs à perte de vue. Et un soleil, rayonnant pour ce mois de mai qui avait été si ingrat jusqu’à lors. Encore deux heures à attendre.
- A quoi tu penses, Tonin ?
Antoine sursauta. Sa mère avait toujours le don d’apparaître à des instants où l’on s’y attendait le moins.
- Je me disais qu’on pourrait peut-être envisager de finir le muret de la maison, cet été après mes examens… répondit-il.
- D’accord, à une seule condition…
Au ton de sa mère, Antoine comprit qu’elle allait lui proposer quelque chose qu’il ne pourrait pas lui accorder.
- Je t’écoute… lui dit-il anxieux.
- Tu demandes Lucie en mariage avant l’année prochaine !
A ses mots elle éclata de rire et alluma le poste de télévision.
- Je ne trouve pas ça spécialement drôle…
Il reposa son verre encore plein, descendit rapidement les marches de l’escalier qui le menait au sous sol, là où ses parents lui avaient installé sa chambre lorsqu’il avait eu 18 ans. C’était il y a cinq ans. Il essuya d’un geste rageur les larmes qui coulaient le long de ses joues, prit sa guitare et commença à jouer.
Le campus était très étendu, et il fallait le traverser pour atteindre les différentes lignes de tramway. Lucie prit tout son temps, flâna le long des pelouses où de nombreux étudiants désoeuvrés se prélassaient. Il était encore trop tôt, cela ne servait à rien de se presser. La sangle de son sac lui coupait son épaule nue, elle regretta presque d’avoir choisi un haut si léger, mais ce soleil de mois de mai l’avait trop tenté. Lorsqu’elle parvint enfin à son arrêt, elle sortit ses écouteurs et se laissa emporter par les notes que lui offrait son lecteur. Elle ferma les yeux, et se glissa parmi ses souvenirs.
Elle avait 18 ans, lorsqu’ils étaient partis. Enfin partis, c’est ce qu’avait annoncé sa tante. Elle revenait du lycée, par une journée aussi belle que celle-là. Sur le chemin, elle s’était sentie légère, futile, peut-être même amoureuse. Elle avait ouvert la porte en chantonnant, et s’était vite rendue compte que quelque chose ne tournait pas rond.
- Sophie ?
La présence de sa tante dans la maison familiale l’avait surprise, puis inquiétée. Le visage ravagé de Sophie ne laissait rien présager de bon.
- Ils sont partis ma Lulu…
Du reste, Lucie ne voyait que du flou. Elle se rappelle de Sophie lui tombant dans les bras, expliquant entre deux sanglots l’accident, la voiture, et le coma dans lequel restait sa mère. Elle se souvient de son cri, ce hurlement plus fort qu’elle, qu’elle avait poussé en comprenant que plus jamais elle ne serrerait son père dans ses bras.
Lucie ouvrit les yeux, le visage envahit par la tristesse coulant le long de ses joues. La plaie qui s’était ouverte en elle il y a quatre ans ne se refermait pas. Elle jeta à nouveau un rapide coup d’œil à sa montre, cette fois c’était bien l’heure. Elle monta dans le premier tramway, emportant derrière elle son gros sac rouge, rouge comme les souvenirs qui lui brûlaient la tête et le cœur.
Antoine reposa sa guitare. Dans une heure elle sera là. Il ouvrit un livre, le referma. Il avait mal à la tête. Que lui dira-t-il ? Qu’il l’aime ? Ou bien était-ce trop rapide ? Depuis combien de temps se connaissaient-ils déjà ? Six ans, sept ans ? Depuis combien de temps s’étaient-ils perdus de vue ? Lorsqu’il avait vu son numéro s’afficher sur son téléphone portable, il n’y avait pas cru. Et lorsqu’il avait décroché, il avait d’abord pensé qu’elle s’était trompée. Elle n’avait pas confirmé ses doutes, au contraire, elle lui avait demandé si elle pouvait le rejoindre, pour deux jours. Surpris ça oui, il l’avait été. Après tant d’années de silence, d’angoisse, de manque, qu’avait-elle à lui dire ? Il avait accepté, bien évidement, et lorsqu’il avait annoncé la nouvelle à sa mère, il avait vu son visage s’assombrir.
- Parce que tu crois vraiment qu’elle va revenir ? avait-elle dit d’un ton sévère.
- Je crois juste qu’elle n’a jamais disparue.
Ce jour là il avait ressorti tous les albums de photographie. Il avait décidé d’expliquer à ses parents la jolie fille qu’il avait rencontrée ce jour de mars, à côté de son lycée. Il leur avait montré Lucie, lorsqu’elle avait encore ses cheveux longs et bouclés, il leur avait présenté Lucie lorsqu’elle avait décidé de les couper très courts, il leur avait raconté Lucie, son sourire, ses éclats de rire, son visage, son bonheur. Il leur avait expliqué sa vie, à cette époque, qui ne rimait qu’avec le prénom de sa bien aimée : Lucie. Elle était pour lui son souffle, sa raison de vivre. Et ils l’avaient compris, ils l’avaient entendu, écouté.
- Tonin ?
Une fois de plus, Antoine fut interrompu de sa rêverie par sa mère qui ne savait toujours pas frapper à sa porte après vingt-trois ans de vie commune.
- Oui ?
- Excuse moi…
- Ce n’est rien.
Il aurait voulu lui crier qu’il l’avait détesté de l’entendre dire ça. Il avait envie de lui hurler qu’elle ne le comprendrait peut-être jamais mais que c’était ainsi, que lui ne changerait pas.
- Tu m’en veux ?
Elle insistait. Antoine pensa qu’il était inutile de lui mentir.
- Oui…Tu sais maman, j’aimerais qu’on fasse comme si de rien n’était. J’aimerais qu’elle soit toujours la bienvenue, comme avant. Qu’elle soit toujours et encore la fille que tu n’as jamais eue. J’aimerais que tu l’aimes, comme avant.
Elle poussa un soupir, peut-être de la tristesse, sans doute du désarroi. Elle hausse les épaules et quitta la chambre, lâchant juste :
- Ton père devrait bientôt arriver.
Antoine s’approcha de son ordinateur. Son frère, Bastien, lui avait laissé un email. « Hello frangin ! Comment vas-tu ? Avec Lisa on a pensé que tu pourrais venir passer quelques jours après tes examens ici. Qu’en penses-tu ? J’attends de tes nouvelles ! ». Il ferma la fenêtre, prit sa veste, ses clés de voiture et lâcha un « j’y vais ! » avant de refermer derrière lui la porte d’entrée.
A cet instant, Antoine ouvrit la porte du réfrigérateur, sortit le jus de pomme que son père s’appliquait à fabriquer chaque automne, se servit un verre et se dirigea vers la fenêtre. Des champs, des champs à perte de vue. Et un soleil, rayonnant pour ce mois de mai qui avait été si ingrat jusqu’à lors. Encore deux heures à attendre.
- A quoi tu penses, Tonin ?
Antoine sursauta. Sa mère avait toujours le don d’apparaître à des instants où l’on s’y attendait le moins.
- Je me disais qu’on pourrait peut-être envisager de finir le muret de la maison, cet été après mes examens… répondit-il.
- D’accord, à une seule condition…
Au ton de sa mère, Antoine comprit qu’elle allait lui proposer quelque chose qu’il ne pourrait pas lui accorder.
- Je t’écoute… lui dit-il anxieux.
- Tu demandes Lucie en mariage avant l’année prochaine !
A ses mots elle éclata de rire et alluma le poste de télévision.
- Je ne trouve pas ça spécialement drôle…
Il reposa son verre encore plein, descendit rapidement les marches de l’escalier qui le menait au sous sol, là où ses parents lui avaient installé sa chambre lorsqu’il avait eu 18 ans. C’était il y a cinq ans. Il essuya d’un geste rageur les larmes qui coulaient le long de ses joues, prit sa guitare et commença à jouer.
Le campus était très étendu, et il fallait le traverser pour atteindre les différentes lignes de tramway. Lucie prit tout son temps, flâna le long des pelouses où de nombreux étudiants désoeuvrés se prélassaient. Il était encore trop tôt, cela ne servait à rien de se presser. La sangle de son sac lui coupait son épaule nue, elle regretta presque d’avoir choisi un haut si léger, mais ce soleil de mois de mai l’avait trop tenté. Lorsqu’elle parvint enfin à son arrêt, elle sortit ses écouteurs et se laissa emporter par les notes que lui offrait son lecteur. Elle ferma les yeux, et se glissa parmi ses souvenirs.
Elle avait 18 ans, lorsqu’ils étaient partis. Enfin partis, c’est ce qu’avait annoncé sa tante. Elle revenait du lycée, par une journée aussi belle que celle-là. Sur le chemin, elle s’était sentie légère, futile, peut-être même amoureuse. Elle avait ouvert la porte en chantonnant, et s’était vite rendue compte que quelque chose ne tournait pas rond.
- Sophie ?
La présence de sa tante dans la maison familiale l’avait surprise, puis inquiétée. Le visage ravagé de Sophie ne laissait rien présager de bon.
- Ils sont partis ma Lulu…
Du reste, Lucie ne voyait que du flou. Elle se rappelle de Sophie lui tombant dans les bras, expliquant entre deux sanglots l’accident, la voiture, et le coma dans lequel restait sa mère. Elle se souvient de son cri, ce hurlement plus fort qu’elle, qu’elle avait poussé en comprenant que plus jamais elle ne serrerait son père dans ses bras.
Lucie ouvrit les yeux, le visage envahit par la tristesse coulant le long de ses joues. La plaie qui s’était ouverte en elle il y a quatre ans ne se refermait pas. Elle jeta à nouveau un rapide coup d’œil à sa montre, cette fois c’était bien l’heure. Elle monta dans le premier tramway, emportant derrière elle son gros sac rouge, rouge comme les souvenirs qui lui brûlaient la tête et le cœur.
Antoine reposa sa guitare. Dans une heure elle sera là. Il ouvrit un livre, le referma. Il avait mal à la tête. Que lui dira-t-il ? Qu’il l’aime ? Ou bien était-ce trop rapide ? Depuis combien de temps se connaissaient-ils déjà ? Six ans, sept ans ? Depuis combien de temps s’étaient-ils perdus de vue ? Lorsqu’il avait vu son numéro s’afficher sur son téléphone portable, il n’y avait pas cru. Et lorsqu’il avait décroché, il avait d’abord pensé qu’elle s’était trompée. Elle n’avait pas confirmé ses doutes, au contraire, elle lui avait demandé si elle pouvait le rejoindre, pour deux jours. Surpris ça oui, il l’avait été. Après tant d’années de silence, d’angoisse, de manque, qu’avait-elle à lui dire ? Il avait accepté, bien évidement, et lorsqu’il avait annoncé la nouvelle à sa mère, il avait vu son visage s’assombrir.
- Parce que tu crois vraiment qu’elle va revenir ? avait-elle dit d’un ton sévère.
- Je crois juste qu’elle n’a jamais disparue.
Ce jour là il avait ressorti tous les albums de photographie. Il avait décidé d’expliquer à ses parents la jolie fille qu’il avait rencontrée ce jour de mars, à côté de son lycée. Il leur avait montré Lucie, lorsqu’elle avait encore ses cheveux longs et bouclés, il leur avait présenté Lucie lorsqu’elle avait décidé de les couper très courts, il leur avait raconté Lucie, son sourire, ses éclats de rire, son visage, son bonheur. Il leur avait expliqué sa vie, à cette époque, qui ne rimait qu’avec le prénom de sa bien aimée : Lucie. Elle était pour lui son souffle, sa raison de vivre. Et ils l’avaient compris, ils l’avaient entendu, écouté.
- Tonin ?
Une fois de plus, Antoine fut interrompu de sa rêverie par sa mère qui ne savait toujours pas frapper à sa porte après vingt-trois ans de vie commune.
- Oui ?
- Excuse moi…
- Ce n’est rien.
Il aurait voulu lui crier qu’il l’avait détesté de l’entendre dire ça. Il avait envie de lui hurler qu’elle ne le comprendrait peut-être jamais mais que c’était ainsi, que lui ne changerait pas.
- Tu m’en veux ?
Elle insistait. Antoine pensa qu’il était inutile de lui mentir.
- Oui…Tu sais maman, j’aimerais qu’on fasse comme si de rien n’était. J’aimerais qu’elle soit toujours la bienvenue, comme avant. Qu’elle soit toujours et encore la fille que tu n’as jamais eue. J’aimerais que tu l’aimes, comme avant.
Elle poussa un soupir, peut-être de la tristesse, sans doute du désarroi. Elle hausse les épaules et quitta la chambre, lâchant juste :
- Ton père devrait bientôt arriver.
Antoine s’approcha de son ordinateur. Son frère, Bastien, lui avait laissé un email. « Hello frangin ! Comment vas-tu ? Avec Lisa on a pensé que tu pourrais venir passer quelques jours après tes examens ici. Qu’en penses-tu ? J’attends de tes nouvelles ! ». Il ferma la fenêtre, prit sa veste, ses clés de voiture et lâcha un « j’y vais ! » avant de refermer derrière lui la porte d’entrée.
[A suivre...]
J'aime bien (même si tu me connais, tu sais que c'est assez loin de mes lectures habituelles), on sent que tu sais ou tu vas.
RépondreSupprimerMais du coup c'est pour la compréhension que je suis pas dedans ou bien j'ai raté un truc. En fait Antoine connaissait Lucie avant l'accident, check. Sa mère la considérait comme sa fille, check. Mais alors pourquoi a-t-il fallu qu'il leur montre les albums depuis leur rencontre?
A part ça c'est très dense mais je pense que ça s'étirera dans les prochains posts :)
Un bon début de roman! On sent effectivement que tu as réfléchi à tes personnages. J'ai hâte de savoir vers où tu vas nous amener.
RépondreSupprimerContente que tu aies repris la plume!