La nuit. La nuit, sa solitude, ses doutes, ses secrets. La nuit et ses peurs, la nuit et ses remords. La nuit et ses lumières, ses craintes, ses regrets. La nuit, celle qui nous enveloppe, comme une carapace trop fragile, qui ne nous protège de rien. Une nuit, la sienne.
Elle a les yeux grands ouverts. Pas moyen de dormir, pas moyen d'oublier. Elle observe tous les détails de la chambre, comme si sa vie en dépendait. Les murs blancs, une photo de couple sur la table de chevet, un gros bouquet de fleurs, des draps qui sentent le propre. Le lit au milieu de la chambre, et là-bas, l'armoire. Elle pourrait se lever, prendre son sac, fouiller, regarder le téléphone. L'appeler. Mais il est si tard, répondrait-il ? Elle a peur d'être déçue, elle a trop peur qu'il ne réponde pas, elle a peur... D'avoir peur.
Couchée sur le dos, elle regarde le plafond. Tiens, une légère fissure, là. C'est fou comme les yeux peuvent s'habituer à l'obscurité. Pas de tic tac, pas de réveil. Pas moyen de savoir l'heure en fait. Mais elle sait bien qu'il est tard, cela fait quelques heures déjà que le sommeil ne vient pas.
Pourtant elle doit se reposer. Il lui faudra des forces, pour affronter demain. Pour affronter la vie. Mais demain est un autre jour, et cette nuit, ses pensées l’assaillent, elle ne sait plus vraiment où donner de la tête. Elle songe à tout ça. A ce qu'elle vient de vivre.
Elle se souvient de leurs débuts, lorsqu'il venait en scooter lui rendre visite chez-elle. Son père n'aimait pas tellement ça, il le regardait d'un mauvais œil, derrière le rideau de la cuisine. Elle avait tout de suite su que ce serait lui. Les premiers émois, à vélo sur les routes de campagne, les premières fois, dans le champ du voisin, les premières disputes aussi, pour les mêmes raisons souvent.
Et puis un jour, l'appartement. Le premier. Dans un immeuble bleu, juste en face d'un arrêt de bus. Pas de balcon, mais deux grandes pièces et une cuisine américaine. Les petits déjeuners ensembles, la première machine à laver, le stress du travail, et la demande en mariage : une bague, dans un écrin, donnée un soir, dans le champ du voisin, alors qu'ils rendaient visite à ses parents.
Elle tente de se retourner, mais elle a un peu mal. Pas moyen de changer de position. Tant pis. Elle avait cru que le jour du mariage serait le plus beau de sa vie. Hier, elle a compris qu'elle se trompait. Furtivement, une larme traverse sa joue.
Il y en avait eu des coups de gueules, des avis divergeant, des doutes. Il y en avait eu des "je demande le divorce" et des "ça va mal finir !". Mais il y avait aussi eu des éclats de rires, des moments de douceurs, du bien-être et du bonheur...
Finalement, elle se lève. A quoi bon forcer la chose, si le sommeil ne vient pas. Sur la pointe des pieds, elle pousse la porte. La lumière du couloir est allumée, mais tout semble calme. Elle arpente, d'un pas léger et régulier ce couloir interminable. Là, une porte vitrée, des petites fleurs à côté de la poignée. Elle y plaque son visage, et les mains pour empêcher les reflets.
Il y avait eu ce jour, où il avait accepté. S'en était suivie une longue période, et quelques déceptions. Et puis, la joie, intense. Neuf mois plus tard, c'était hier.
Dans la pouponnière de l'hôpital, Alice semble dormir poings fermés.
- Je peux vous aider ?
Elle sursaute. Une infirmière se tient là, juste derrière elle.
- Non, j'étais juste venue voir ma fille.
- Vous êtes la maman d'Alice ? Ne vous inquiétez pas, elle va très bien. Je vous conseille d'aller vous reposer à présent.
Elle acquiesce, reprend le couloir, en sens inverse. Toujours le même pas, léger et régulier. La porte de la chambre qui grince. L'armoire. Le lit. La photo de couple sur la table de chevet et le gros bouquet de fleurs. Elle s'allonge à nouveau, regarde le plafond. Le plus beau jour de sa vie ? Hier, évidement...
J'ai poussé un petit "oh" de surprise attendrie en lisant le prénom d'Alice.
RépondreSupprimerQuelle belle histoire...plus réelle que romancée ou plus romancée que réelle , je ne veux même pas le savoir!
Mimi