mardi 4 septembre 2012

Le sac rouge (4)

Arrêt sur image 3 : Angéline

Deux petits grains de beauté, sur le coin de l’œil, un regard dans le vague, un regard sur les vagues. Un regard, un peu de vague à l’âme, de vagues à larmes. Ces larmes sèches qui ne coulent pas sur les visages, par peur de trahir. Elles sont là, au coin des yeux, mais refusent de sortir. Des larmes amères et inaccessibles.
Elle est souvent assise là. Contre ce gros rocher. Elle pense à amener une serviette, ou un sachet plastique quand il fait trop humide. Ses cheveux raides sont parfaitement lissés, ses doux yeux se cachent derrière une longue frange. Sa tête est toujours baissée. Souvent elle lit. Des romans classiques, qu’elle trouve chez les bouquinistes. Elle a toujours l’impression de lire un autre livre, lorsque les collections sont différentes. Le Rouge et le Noir n’a pas la même saveur s’il est lu en livre de poche ou dans une collection plus noble.
Des livres. Elle en a des centaines. Dans son petit studio, ils s’entassent, car une fois lus, elle les délaisse. Comme s’ils étaient vidés de sa lecture avide. Si elle le pouvait, elle ne s’arrêterait jamais de dévorer ses petits chefs d’œuvres, comme elle les appelle. Elle aime caresser le papier, sentir l’odeur des caves d’où sont extraits les romans.
Si on y regarde d’un peu plus près, on constate que ses yeux bougent à une allure vive. Ce n’est plus de la lecture. C’est une sorte de transe indescriptible. Angéline n’est plus de ce monde, elle voyage, avec Julien Sorel, Mme Bovary ou Gervaise Macquart. Il pourrait y avoir une tempête, un cataclysme, un tremblement de terre, elle ne bougerait pas, prise dans son roman, prisonnière de l’histoire qu’il lui faudra lire au moins jusqu’à la fin du prochain chapitre.
Ce jour là Angéline avait pensé à prendre un gros gilet. Des grosses mailles bleues, tricotées par sa mamie adorée. Elle avait mis quelque temps avant de son plonger dans la lecture de sa nouvelle trouvaille : A la recherche du temps perdu, de Marcel Proust, dans la collection de la Pléiade.  Le livre était comme neuf, pourtant, d’après le vendeur, il était passé déjà entre des dizaines de mains, et, sans pouvoir se l’expliquer, il avait toujours récupéré le livre une fois qu’il avait été lu. Comme si personne ne souhaitait le garder.
Bien qu’elle l’ait déjà lu, il tardait à Angéline de retrouver le phrasé d’un de ses auteurs favoris. Mais un petit grain de sable s’était immiscé là, entre son œil et la lentille qu’elle portait. Il lui aurait certainement fallu un miroir, mais Angéline n’en possédait pas. Son œil coulait tellement qu’un jeune homme s’était arrêté pour lui demander si tout allait bien. Elle avait répondu oui, expressément, presque sèchement, pour que surtout l’homme n’entame pas une conversation plus longue. Pour rien au monde, Angéline ne retarderait un rendez-vous avec ses livres.
Ce dimanche un peu trop gris, sur la plage, elle avait fini par retirer le grain de sable. Les premières lignes étaient encore un peu floues, puis ses yeux ont repris leur vitesse de croisière. Le sourire aux lèvres, Angéline s’était évadée. Mais ce jour là, elle s’était interrompue avant la fin du chapitre. Dans son chant de vision, là, les deux bottes dans l’eau, un petit garçon s’était arrêté longuement, pour regarder son reflet dans la mer. Et ce jour là, c’est la surprise et la maturité sur ce visage juvénile qui avait frappés Angéline…

4 commentaires:

  1. J'aime bien ce nouveau personnage, elle est intéressante. Mais peut-être aurait-il fallu creuser un peu plus, car on ne connait d'elle que sa soif de lecture, pas grand chose d'autre (son âge par exemple).

    En fait, j'aime bien les textes du "sac rouge", mais je trouve qu'il manque un vrai lien entre eux. Même si tout se passe sur la même plage, c'est très rare d'avoir une interaction entre les personnages. Après c'est ton choix, et ça va peut-être encore venir, mais pour le moment je reste un peu sur ma faim.
    Pas vraiment l'habitude de lire des romans de ce style non plus, donc c'est peut-être moi qui n'y connait rien.

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  2. Ce sont des photos ! ;)On ne peut pas donner l'âge de quelqu'un sur une photo ;)
    Pour ce qui est des interactions, elles sont effectivement peu nombreuses mais il y en a malgré tout (il y en a au moins toujours une dans chaque texte).

    En fait je crois que je vais arrêter car ces textes ne font vraiment pas l'unanimité. Je vais vous proposer autre chose ^^. Ils vont rester au fin fond de mon ordinateur et quand je serais célèbre ils vaudront des millions, na ! :p

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  3. Lol! C'est vrai j'avais oublié que c'était des photos vues par un inconnu... (mémoire de poisson rouge).

    Moi c'est pas que ça me plait pas, c'est juste que tu nous demandes d'être honnêtes dans nos critiques. Donc j'aime mais y'a aussi des choses que j'aime pas trop. Pour ma part, c'est aussi parce que je suis plus habituée à des livres de fantasy ou policier qu'à des romans et nouvelles.
    Je critique aussi mon chéri quand il écrit, faut pas croire.

    Peut-être qu'un jour ça vaudra des millions et du coup tu nous reniera de tes amis quand tu sera riche et célèbre...

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  4. Tu rigoles, je partagerai et on se fera de super voyages !!!!!

    Vos critiques sont super constructives et j'en veux encore !! Mais je ne suis pas non plus totalement satisfaite de cette suite de texte, du coup je pense que je vais la laisser de côté quit à la reprendre plus tard.

    Sinon, y a du nouveau un peu plus haut ^^

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