jeudi 27 septembre 2012

Rivages (2)

L’hôtel Les Rivages se trouve à la sortie du petit village de Kernohan. Face à l’océan. Le mauvais temps fait gronder les vagues. Le car s’éloigne. Les joues de Lucie sont humides. « Nous y sommes… ». C’est une vieille bâtisse en pierre taillée, quelques roses trémières tentent ça et là de résister à la tempête qui se prépare. Le petit parc à l’arrière semble isolé de tous les regards indiscrets. Lucie observe, décrypte, scrute, les moindres détails, comme s’il fallait se nourrir de ces images pour se souvenir, pour se rappeler, pour comprendre ce qu’elle faisait là.
Le petit chat de la publicité accoure. On aurait pu croire qu’il l’attendait. Rapidement, il se met à ronronner. A se frotter dans ses jambes. Lucie lui gratte un peu la tête, le chaton se roule par terre, puis s’éloigne. Le bruit assourdissant des vagues angoisse Lucie. Elle se hâte vers l’entrée de l’hôtel. Il manque un V à l’enseigne. Hôtel « Les Riages ». Pourquoi pas…
Une petite cloche retentit lorsqu’elle pousse la porte. Une dame d’une cinquantaine d’année, un peu ronde, l’accueille tout sourire.
-    Bonjour mademoiselle ! J’imagine que vous venez pour la réservation ?
-    Oui, c’est moi qui aie appelé hier…
-    Quelle idée de venir ici en cette saison ! Mais vous verrez, le mois de Novembre a aussi ses atouts, même au fin fond de la Bretagne !
-    Je ne suis pas à la recherche du soleil…
-    Voici vos clés, vous pourrez venir régler tout à l’heure. Votre chambre est en haut du petit escalier, là, à gauche. Si elle ne vous convient pas, n’hésitez pas à me le dire, vous êtes la seule cliente !
-    Y-a-t-il un tabac dans le coin ?
-    Oui, juste en bas de la rue. Vous tournez le dos à l’océan, vous passez quatre maisons et vous y êtes.
-    Merci…
Martine, la gérante de l’hôtel, regarde Lucie s’éloigner vers sa chambre. Quel âge peut-elle avoir ? Une vingtaine d’année ? Elle songe à sa fille. Elle aurait sans doute eu son âge. D’un revers de la main, elle efface la tristesse qui tente une fois de plus d’investir son visage. Elle ne se laissera pas abattre.
Lucie tourne la clé, pousse la porte. La petite chambre la ravit. Les murs sont peints en blancs, des tableaux représentants les différents phares de la Bretagne sont accrochés au-dessus du grand lit. Un bouquet de fleurs orne l’étagère au dessus du petit bureau. Lucie ouvre rapidement son sac. Elle rangera ses affaires plus tard. En sortant un pull aux rayures marines, son téléphone portable tombe, et rebondit trois fois sur le sol. Lucie le ramasse. L’ouvre. Le referme. Le dépose sur le bureau. Le reprend dans ses mains. Ouvre la fenêtre. Respire. Le met dans sa poche. Elle remplit son sac à dos : une bouteille d’eau, un imperméable, son portefeuille. Elle quitte la chambre.
Martine est encore dans le hall. Lucie lui fait un signe de la main, puis s’éloigne vers la sortie. D’abord, les cigarettes. Ensuite on verra. Elle descend la rue, dos à l’océan. Les maisonnettes à la façade blanche semblent toutes vides. Aussi vides que le cœur de Lucie. Aussi vide que son corps tout entier. Elle aurait voulu le remplir, elle aurait voulu le combler. Y ajouter de l’eau, y ajouter de l’espoir… Une pincée de bonheur peut-être. Quatre maisons, elle y est.
La clochette qui retentit avertit la vendeuse de son arrivée.
-    Bonjour mademoiselle !
Lucie observe un long moment son interlocutrice. C’est une dame très âgée. Immédiatement, elle est prise de sympathie pour ce petit bout de vie fragile, comme suspendu.
-    Bonjour ! Quel drôle de temps n’est-ce pas ?
-    Ne m’en parlez pas, mes articulations me le font bien ressentir ! Mais que faites vous dans le coin, par cette saison ?
Lucie marque un temps. Quelle bonne question ? Que fait-elle ici finalement ?
-    Je suis venue vous acheter des cigarettes. 

[A suivre...]

1 commentaire:

  1. J'aime bien le rythme du texte, de cette fille un peu paumée qui arrive en bretagne sans trop savoir pourquoi. Par contre j'ai quelques remarques.

    La première, c'est que la bretagne a l'air couverte de vieux :) Après le passager du bus, voilà la tenancière de l'hôtel et celle du tabac.
    La seconde, c'est que dans le premier texte, elle est littéralement obsédée par sa question concernant les changements du passé. Le sujet disparait complètement de ce second texte. Tu aurais pu, peut-être en faire un élément redondant, par exemple après la description de la chambre. Après, ce n'est que ma vision...

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