lundi 26 novembre 2012

Blues...

 Encore un texte écrit il y a quelques temps, retravaillé avec beaucoup d'application depuis...

C'est un moment particulier. L'ambiance n'est plus vraiment à la fête. Les chaises ne sont pas tout à fait bien alignées le long de la table de la salle à manger. Une légère musique résonne encore, là, au fond de la pièce, quelqu'un a oublié d'éteindre la chaîne.

Le temps semble s'être figé. Rien ne bouge. La trotteuse avance au ralenti. Les peluches posées sur l'étagère n'ont plus de vie, plus d'âme. D'ailleurs, il y en a une qui est tombée. Dehors, pas un cri, pas une voiture. Les enfants sont rentrés depuis longtemps. Personne ne s'attarde dehors. Le froid engourdit peu à peu les murs de l'appartement.

Dans la cuisine, quelques miettes de pain sur la table. Des sandwichs faits rapidement, pas le courage de cuisiner. La vaisselle jetée dans l'évier, un morceau d’aluminium qui traîne. Même le chat tourne en rond, comme si lui-même ne savait plus trop où aller.

Dans le salon, quelqu'un tourne des pages. On entend le bruit sec et craquant du papier entre les doigts. C'est le moment de regarder des albums photos, de se perdre dans des souvenirs, dans les "tu te rappelles ?" et les "mais si, souviens toi !".  Comme si la nostalgie d'un passé plus ou moins lointain pouvait nous guérir de l'instant présent.

L'album est vite refermé. Il faut regarder l'heure. S'agacer du tic-tac de l'horloge de la cuisine. Il faut faire la liste de tout ce qu'on n'a pas pu faire. Pas voulu faire. Pas eu le temps.  Il faut faire la liste de tout ce qu'il reste à faire. Comme un sursaut d'angoisse dans ces instants ouatés.

Très vite, le retour de l'attente. Une nouvelle accalmie. Cette attente qui guide nos vies. Cette attente qui nous fait peur, nous terrifie, l'attente qui nous permet d'espérer aussi. L'attente qui nous ronge de l'intérieur, et dont on ne pourrait se passer... Attendre le lendemain, sans savoir de quoi il sera fait.

Le CD est terminé. Le chat a fait tomber une pince à linge, et joue avec, comme pour se donner une contenance. On s'assoit, on se relève. On fait quelques pas. On retourne s'assoir. On allume la télé. On zappe un peu. On souffle. Il faut paraître normal, dans cette atmosphère si étrange. Tout est rangé, nettoyé, vérifié, ordonné, revérifié, classé, astiqué, posé. Prêt. On est prêt, pourtant on a peur de l'affronter.

Dehors, des âmes errantes promènent des chiens, les deux mains dans les poches, le regard au sol. Les quelques piétons de passages ont le regard vide, et le pas morne.  Le monde entier semble perdu dans ses pensées. Quelque chose ne tourne pas rond.

Finalement il faudra se décider, se glisser sous la couette. Le lit semble plus froid, le matelas moins accueillant. Le rideau est de travers, et le chat se love à nos pieds. Il faut régler le réveil, soupirer peut être. Lorsque enfin la lumière s'éteint,  nos yeux sont grands ouverts. Le sommeil ne viendra pas tout de suite. Il faudra d'abord affronter toutes ces pensées, ces inspirations que l'on a seulement dans ces temps là. Il faudra affronter ce spleen qui nous envahit lorsque vient le moment , cette mélancolie qui nous submerge lorsqu'arrive l'instant fatidique. 

Ce blues qui nous rend fous, lorsque vient le dimanche soir...

mercredi 21 novembre 2012

Vieillir...

Un texte écrit il y a quelques temps, sur mon thème de prédilection : le temps qui passe... Relu et corrigé, je décide de la publier ici...

Vieillir. Avant eux. S’en rendre compte. Partir déjà un peu. Avoir peur. Douter. Craindre. Les regarder s’éloigner. Ne pas les retenir. Souffrir.

Vieillir. Penser à ce qu’on a vécu. Parler au passé. Perdre toute conviction. Se laisser aller. Ne plus croire.
Vieillir. Vieillir. Vieillir. Indéniablement. Inexorablement. Sans s’opposer vraiment.

Et puis ouvrir les yeux. En parler à quelqu’un. Rêver de jours meilleurs. Faire de nouveaux projets. Apprendre des bonnes nouvelles. Et y croire à nouveau.

Repartir de plus belle, retrouver l’étincelle, illuminer son regard, y croire, y croire encore…

Vieillir. Parce qu’on ne peut pas l’empêcher. Parce que la vie ne nous laisse pas le choix. Parce que les rides prennent le dessus, parce que le bonheur n’est pas éternel.

Vieillir. Même si l’on résiste, même si l’on existe… Vieillir à contre sens, vieillir contre sa volonté, vieillir sans l’avoir vraiment voulu, vieillir et se savoir aimé…

Vieillir, mourir un peu déjà.

Le temps qui passe. Toutes ses horloges qu’on voudrait arrêter. Et la trotteuse qui court après les autres aiguilles.

Vieillir. Le jeu éternel des années qui passent. Les bougies, les anniversaires, les Noël qu’on ne compte plus sur les doigts de sa main…

Vieillir, ou la complainte de la solitude.

Vieillir, ça commence quand ?

jeudi 15 novembre 2012

Soixante ans...

Lorsque j'aurai soixante ans, disait le petit garçon, j'aurai une grande voiture, une rouge, comme celle de mon papa. Je serai grand, et fort, et je pourrai enfin casser la figure à tous ces autres qui m'embêtent ! Je serai pilote de chasse, ou alors musicien, ou alors les deux. Pilote de chasse-musicien, c'est chouette comme métier non ? J'aurai une belle maison, ou alors un château fort. Oui, je serai chevalier, et puis j'aurai plusieurs princesses qui seront amoureuses de moi... Ou alors je me marierai avec maman.

Moi, quand j'aurai soixante ans, clamait l'adolescent, j'aurai une belle barbe brune, et j'irai voir des concerts de rock. Je m'habillerai comme je veux, et personne ne me dira ce que je dois faire. Je serai riche, peut-être joueur de foot, ou alors comédien. Acteur, dans les grands films. J'aurai une villa, sur la Côte d'Azur, et une belle femme, qui ressemblera un peu à Elisa, que j'ai croisé dans le bus tout à l'heure... Et puis, ce qui est sûr, c'est que j'aurai un scooter ! 

Quand j'aurai soixante ans, pensait le jeune père, qui sait je serai peut-être à la retraite, les enfants seront grands. Avec un peu de chance, il en restera un avec nous. J'aurai une maison, une grande, à la campagne, avec un jardin. Des légumes toute l'année, et une immense cuisine équipée ! Les enfants viendront nous voir, peut-être avec leurs maris ou épouses, et je voyagerai. Bien sûr qu'elle sera encore là, elle, la mère de mes enfants, et la femme de ma vie. 

Aujourd'hui, j'ai soixante ans, pensa le jeune grand-père. Qu'ai-je fait de ma vie ? Je ne suis pas pilote de chasse, je ne me suis pas marié avec ma mère. Je n'ai pas de grande villa, et je ne suis pas devenu acteur. Je n'aime pas tellement les voyages, et je n'ai jamais eu de scooter. Mes enfants ne sont plus à la maison. Ma voiture est blanche, et je chante plutôt faux. Pas de princesse, pas de château, pas de Côte d'Azur, pas de corps d'athlète... 

Et pourtant... Pourtant les cris de mes petits enfants remplissent mes yeux de larmes, la réussite de mes enfants gonfle mon coeur de fierté... Pourtant je suis le plus heureux de hommes, et je ne pense pas avoir trahi le petit garçon que j'étais...

Aujourd'hui, j'ai soixante ans, pensa le jeune grand-père. Et aujourd'hui sera un bien beau jour, comme tous les autres à venir !

Parce que ça n'arrive pas tous les jours, je lui souhaite un bon anniversaire !

mardi 13 novembre 2012

Le cours de natation

C'est mardi, fin du cours de natation. L'entraînement a été rude, mais bienfaiteur. Beaucoup de longueurs, de nouvelles techniques, et puis quelques discussions, avec nos partenaires de galères. On n'avait pas envie d'y aller, il faisait froid dehors, on était fatigué, et puis finalement, on n'a plus vraiment envie de sortir... 

Quelques brasses, juste pour le plaisir de sentir l'eau caresser la peau, une dernière fois avant la semaine prochaine. La respiration reprend peu à peu son rythme normal, les lignes d'eau sont enlevées, il est temps de partir. Je regarde les derniers nageurs quitter le bassin, j'attends quelques secondes, et à mon tour je rejoins les vestiaires. 

C'est un peu surnaturel, la piscine, le soir. Je prend ma douche, il n'y a déjà plus personne. Je me prends à imaginer qu'ils vont m'oublier, m'enfermer dans ce lieu mystique, et que je n'aurai d'autre choix que de retourner nager, encore et encore, pour oublier la solitude, et lutter contre la peur. 

Au niveau des casiers, on entend déjà plus de bruits. Certains se parlent de cabines à cabines. On imagine qu'ils ont du mal comme nous, à enfiler leur pantalon. La serviette au sol, les pieds nus dessus, les cheveux mouillés qui dégoulinent tout le long du dos, la chaussette qui tombe par terre, au moment de la mettre... On se sent à nouveau empoté, comme quand nos mamans nous grondaient car nous n'allions pas assez vite pour nous rhabiller.

Une étrange satisfaction règne dans l'air lorsqu'une fois vêtue de la tête aux pieds, je sors du vestiaire, mon sac et ma veste sous le bras, et le peigne dans la main. Un dernier passage sous le sèche cheveux, et voici enfin le moment tant attendu. 

Celui où l'on pousse la porte. On a dit bonsoir. Certains ont répondu. Et puis, je me retrouve seule. Dans la nuit. Le froid qui engourdit mes pensées pénètre sous ma veste. Je repense au bonnet, qu'il fallait absolument mettre quand on sortait de la piscine avec l'école, parce qu'on n'avait jamais le temps de se sécher les cheveux. Alors, je me dis que j'ai de la chance. De la chance d'être là, de vivre ça. De la chance de ne pas avoir été oubliée dans le vestiaire. De la chance de pouvoir bientôt rentrer au chaud. De la chance, surtout, de ressentir tout ça, de la chance, simplement, de pouvoir me dire : "c'est si bon de sortir dans le froid après être allée à la piscine !".

samedi 3 novembre 2012

Défi Ecriture (4)

Thème : Le Prix Nobel

Contexte imposé
: On vous annonce la veille de la distribution des Prix Nobel que vous êtes favori pour gagner un des prix. Vous devez donc concocter un discours de remerciements pour être prêts le jour J.


Forme du texte : Discours de remerciements
On attend dans ce discours de l'émotion, de la surprise... et votre personnage peut être drôle, arrogant, imbu de sa personne ou timide. C'est vous qui décidez. Il s'agit d'être imaginatif! Dans votre discours, la raison pour laquelle vous recevez ce prix doit être assez claire pour que votre lecteur comprenne de quoi il s'agit.

Quel Prix Nobel ? : il en existe plusieurs comme vous le savez. Je vous laisse le choix entre : Prix Nobel de Physique / Littérature / Physiologie et Médecine.
Vous avez donc totalement le droit de vous inventer un personnage qui a trouvé la machine a voyagé dans le temps ou la pilule pour rajeunir de dix ans... ou bien de vous imaginer dans 50 ans gagner le prix Nobel de littérature pour vos textes.

Date où vous devez avoir publié : 10 novembre
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"Mesdames, Messieurs, chers amis, membres de la famille proche ou lointaine, mon amour, et je vais m’arrêter là même si j’ai peur d’en oublier (petit rire),

Il y a 55 ans de cela, ma mère donnait naissance à un petit être fragile, un petit garçon chevelu, dans la camionnette de mon père qui l’emmenait à l’hôpital. Drôle de façon, me direz vous, de commencer une vie, mais drôle de façon je vous répondrai, de commencer un discours…

En réalité, la situation est plutôt drôle. Etrange. Hasardeuse. Peut-être qu’elle gêne, je ne suis pas sourd aux ragots ni aux rumeurs. Je me rappellerai toute ma vie de l’exclamation outrée de ma vieille tante qui pique lorsque je lui ai annoncé la nouvelle.
- Toi ? Un prix Nobel de médecine ? Mais tu n’as jamais rien fait de ta vie !
(Attendre les rires de l’assemblée).

Il y a 55 ans, je poussais donc mon premier cri, dans la camionnette de mon père, qui n’avait rien trouvé de mieux que de mettre les basses à fond comme pour palier l’angoisse grandissante de voir ma mère souiller les fauteuils à l’arrière.
C’est sans doute là, que tout a commencé. Ce n’est certes pas le moment pour régler ses comptes, mais autant vous dire que mon père ne m’a jamais pardonné le coup de la camionnette, ni à ma mère d’ailleurs, et il a disparu sans laisser de trace juste après la prise en charge par les pompiers. Que pense-t-il aujourd’hui de son fils ?

D’ailleurs, que faut-il en penser ? Les temps changent. Le monde change. De nos jours le médicament contre le cancer est efficace, le VIH a disparu de la planète, nous vivons de plus en plus vieux, et en plutôt bonne santé. Du haut de ses 95 ans, ma mère joue toujours aussi bien au tennis, et ses doigts parcourent toujours aussi facilement le grand piano du salon.
Je dois vous avouer quelque chose, je n’y connais rien en médecine. Pas plus en médecine qu’en physiologie, en biologie, ou tous ces autres noms savants qui m’angoissaient et m’obligeaient à sécher les cours au lycée. Lycée que j’ai quitté bien avant le bac.

J’entends d’ici vos exclamations outrées. Vos protestations. Je vois vos visages ahuris. Mais oui, mesdames, messieurs, le Prix Nobel aujourd’hui devient accessible, simplement parce qu’il n’y a plus rien à inventer. Un scandale ? Une hérésie ? Ce sont les titres de Paris Match lorsqu’ils ont pris connaissance de ma nomination. Mais comment cela peut-il vous choquer ?

Vous qui êtes capables d’élire un président d’extrême droite juste parce que votre voisin black est venu dans votre jardin (non sans avoir franchi la barrière de sécurité, les chiens de garde et la caméra de surveillance) pour vous demander du sel… Vous qui vous êtes déjà battus à mort dans un stade de foot parce que les autres ne défendaient pas la même équipe… Vous qui assistez à ces combats ultra violents entre les hommes et les robots en attendant avec jouissance la mise à mort de l’un ou de l’autre… Vous qui avez reculé sur l’avortement sous prétexte que la vie est un cadeau alors que vous êtes fascinés par le sordide et le trash. Vous les hommes, l’humanité entière, qui passez vos journées collés aux écrans, les doigts rivés sur la souris, et les yeux révulsés d’avoir trop vécu dans le virtuel… Vous les hommes, l’humanité entière et la bêtise grandissante de notre espèce…

Alors oui, je vous le demande, comment cela peut-il vous choquer ? Je suis le produit de votre idiotie, le résultat de votre manque de jugeote. Le jury ne vaut pas mieux que vous. Qui leur a soufflé à l’oreille un jour qu’un grand DJ pourrait recevoir la prix Nobel de Médecine ? Ce qui est sûr, c’est que je répondais à leur attente, et à leur problème. Il n’y a eu aucune grande découverte cette année. L’humanité s’est endormie sur ses lauriers. Ils m’ont cru capable de faire un faux discours, sur le fait que la musique adoucit les mœurs, rassemble, guérit…

Mais je ne sais pas mentir moi, ma musique, c’est bêtement mon gagne pain, et vous, tous aussi cons que vous êtes, vous vous rassemblez devant mes tables de mix pour danser en secouant la tête, et vous sortirez de la en disant : « ah, cet homme, c’est un véritable guérisseur ! ».

Ne vous plaignez pas, ne vous offusquez pas. Je suis le résultat de ce que vous avez toujours dit à voix haute. La musique adoucit peut-être les mœurs, mais une chose est sûre, c’est qu’elle ne rend pas toujours intelligent !

A bon entendeur… "

- Alors, tu en penses quoi ?
- Si tu dis ça, ils vont te tuer…
- J’y compte bien, mon amour, j’y compte bien…