vendredi 24 août 2012

Un monde virtuel...

Des pieds... Quatre pour être précis. Deux nus. Avec un joli verni à ongles rouge. Et deux emballés dans des chaussettes blanches, qui sont certainement passées à la machine avec des vêtements foncés. On remonte, le long des jambes. Et là... Un ordinateur. Non, deux. Un sur chaque paire. Des mains, quatre, qui tapent sur le clavier. Presque avidement. Comme en recherche de quelque chose. Un peu plus haut, appuyés contre des coussins, deux têtes. Des visages fermés, anxieux. En pleine réflexion.

Pas un bruit dans la pièce, seulement le soufflement des machines qui souffrent de la canicule. Et puis, les doigts sur le clavier.

Lui, se racle la gorge. Juste une fois. Comme pour briser ce silence peut-être un peu trop pesant. Elle cligne des yeux, plusieurs fois, mais ça ne fait pas de bruit.

Le regard rivé sur l'écran, ils communiquent. Pas entre-eux, ça non. Ils communiquent au monde entier. Ils communiquent leurs passions, leurs vagues à l'âme, leur souffrance, ou leur bien être. Ils communiquent le vrai comme le faux, Peu importe, puisqu'ils en parlent.

Deux heures auparavant, ils ont regardé un film. Ensembles. Dans la même position. Les pieds n'ont pas bougé, leurs yeux non plus.  Le film leur a plu. C'était intéressant, prenant, voir angoissant par moment. Juste après le générique de fin, chacun a récupéré son ordinateur. Pour partager. Avec le monde. Pour dire ce qu'ils ont aimé, détesté, ce qui les a surpris, frappé... Mais rien entre-eux, pas un mot, surtout, peut-être la peur de parler trop fort...

Elle, se sent un peu prostrée, plus vraiment vivante. Presque virtuelle. Lui, ne sait pas trop. Il voudrait bien dire une phrase, ajouter quelque chose. Il se racle la gorge, une nouvelle fois.

Pourtant ils s'aiment. Ou alors, ils se sont aimés. Ou bien...  En tout cas, il y a eu quelque chose. Forcément. Pour finir à deux dans un appartement. Pour avoir envie de se faire à manger ensemble, de partager les corvées, de se répartir les tâches... Pour avoir envie de se coucher à deux, de rire à deux... Il y a eu quelque chose c'est sûr.

Elle, cherche sur Internet. Amour... Des citations, des images, une définition. La clé ? "Ce n'est pas dans ta machine que tu trouveras la clé du bonheur jeune fille !". Une pensée furtive pour son grand-père. 
Lui est dérangé par un insecte, un moustique certainement. D'un geste agacé, il le chasse. Et dans son élan, il la bouscule, légèrement, elle, qui partage son coin de lit. Alors il prend conscience. Il se souvient qu'elle existe, qu'elle est à côté de lui, qu'elle a peut-être besoin de lui...
"Pardon...".
Il l'embrasse. Longuement. Langoureusement.
Elle, surprise. Mais heureuse. Furtivement, ses yeux fuient vers l'écran, la messagerie instantanée a ouvert une nouvelle fenêtre. C'est lui, quelques secondes avant le début du baiser. "Veux-tu m'épouser ? "

2 commentaires:

  1. J'aime beaucoup!
    Un texte court... mais plein de sens. C'est vrai que nous sommes parfois beaucoup dans le "virtuel". Heureusement, on sait aussi bien vivre le réel!

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