Arrêt sur image 1 : Lucie
« Tu ne seras plus jamais seule ». Et elle y avait cru. Elle avait pensé que tout était devenu simple, et que plus rien ne serait comme avant. Elle avait espéré changer de vie, changer de destin. Cette phrase l’avait bousculée, émue, puis rendue euphorique. Elle s’était mise à nouveau à rire et à croire à demain. Tout était devenu facile, futile, rayonnant. Elle avait recommencé à tirer deux traits sous ses yeux, avec un crayon noir, elle avait repris son habitude de passer un peu de rouge sur ses lèvres, avec son doigt.
Elle avait choisi d’emménager rapidement avec lui. Pour la facilité. Parce qu’elle travaillait à proximité de son domicile. Pour quitter la folie de sa propre maison aussi. Peut-être. Leur vie à deux était belle, idyllique. Les petits-déjeuners au lit, les massages au milieu de l’après-midi, les mots doux sur le frigo, l’amour qu’ils aimaient faire si souvent, les slows qu’ils dansaient inlassablement, dans les cinquante mètres carrés de leur appartement. Parfois, elle pleurait. Alors, il lui disait simplement de ne pas douter.
Il l’avait demandé en mariage. Un dimanche après-midi un peu trop gris, sur une belle plage. Les pieds dans les bottes, les larmes plein les yeux, elle avait dit oui, avec ce sourire immense qui lui va si bien. Ce jour là, il n’existait plus personne autour d’elle, juste lui, juste eux, dans l’immensité de ce paysage qu’ils aimaient tant.
Benjamin était né. Deux années plus tard. De magnifiques boucles brunes, la mélancolie de sa maman dans les yeux, et la force de caractère de son papa. Ils avaient pris pour habitude de pêcher à pied, le dimanche sur la plage de leurs fiançailles. Le petit garçon aimait découvrir, courir sur la plage avec son papa, il aimait sauter à pieds joints dans les flaques, goûter un peu la mer avec son doigt, comme sa maman, lorsqu’elle met du rouge sur ses lèvres.
Un jour, il est parti. Sans laisser d’adresse. Ni répondre au téléphone. Pourtant, Lucie avait cru à ses promesses. Elle avait cru au changement de destin. Elle avait cru un jour que les vies pouvaient basculer. Lorsqu’il lui avait dit « tu ne seras plus jamais seule », elle avait pensé qu’il s’agissait de lui. Pas de Benjamin. Mais l’enfant lui, était bel et bien là, demandeur d’amour, de tendresse et d’affection. L’enfant était là, et elle ne pouvait pas l’abandonner.
Lucie a continué à l’emmener, là sur la plage des fiançailles. Mais elle a arrêté de tirer deux traits sous ses yeux, et de mettre du rouge sur ses lèvres. Son regard reste infiniment triste. Lorsque l’enfant est à l’école, Lucie regarde par la fenêtre. Espérant croiser des yeux l’auteur de son destin. Pour lui lancer des éclairs, pour lui crier sa colère. Sa tristesse. Sa solitude…
Un dimanche un peu trop gris, Lucie emmena Benjamin sur la plage. La marée était montante, Benjamin mouilla l’intérieur de ses bottes jaunes. Il avait les pieds trempés. Mais peu importe. Là dans l’eau, pendant qu’il cherchait des coquillages, il avait vu son reflet. Et en son concentrant bien sur son image, il avait pu distinguer des traits qui forgeraient définitivement l’armure de son destin : la mélancolie de sa mère dans les yeux, et la force de caractère de son père.
[A suivre...]
Là j'aime bien :)
RépondreSupprimerJuste la séparation, qui est amenée un peu trop vite à mon goût (tu peux pousser sur ce qu'ils ont construit ensemble, le chemin vers Benjamin, leur mariage, bref ces deux-trois ans qu'ils ont passé ensemble).
Et concernant le reflet, je trouve la réflexion bien poussée pour un enfant qui contemple son reflet dans l'eau!
Merci pour ces deux commentaires ultra constructifs !
SupprimerPour le premier texte je suis assez d'accord, c'était d'ailleurs ce problème avec cette introduction qui m'avait poussé à ne pas poursuivre l'aventure du sac rouge...
Pour ce deuxième texte, note bien qu'il s'agit d'une image... La personne qui regarde les photos de l'appareil ne peut pas tout savoir. Et j'étais partie du principe que les détails n'avaient pas d'importance... (tu comprendras peut-être avec la suite des textes)
Enfin pour te répondre, ne sous-estime pas les capacités des enfants qui ont souffert ^^ (cf film Polisse si jamais :p)