mardi 28 août 2012

Le sac rouge (3)

Arrêt sur image 2 : Eloïse

Je me souviens de ces années, de mon tout premier appartement. J’en étais tellement fière, quelques mètres carrés pour moi toute seule. A l’époque tu sais, ce n’était pas si simple, on ne partait pas comme ça de chez ses parents. Mais à vrai dire, pour moi, c’était un peu différent, mon père était mort depuis longtemps, et ma mère buvait bien trop pour se rendre compte de quoi que ce soit. 

La première fois, j’ai tourné lentement les clés dans la serrure. J’étais à la fois excitée et apeurée. Dans l’entrée, il y avait un tout petit placard, sur la droite. J’y avais soigneusement rangé mes chaussures, les unes à côté des autres. Tu sais, je n’en possédais pas beaucoup, quatre paires tout au plus, une par saison finalement. J’y avais mis aussi mon parapluie, un peu de cirage et une brosse à chaussures. A côté du placard, un porte-manteau, avec mon ciré, pour les sorties en mer, et ma veste de ville, pour les courses et l’église.

A gauche, c’était la cuisine. Je m’en souviens très bien, elle était minuscule. Un évier, une gazinière, un petit meuble de rangement, un frigo. J’avais aussi réussi à récupérer un petit four, chez une amie qui ne s’en servait pas. Elle ne savait pas faire la cuisine. Tu te rends compte ? Quand je pense à tous les gâteaux que j’ai pu faire dans ce four ! J’ai toujours aimé cette cuisine. Comme on dit, petite mais fonctionnelle. La seule chose qui m’agaçait, c’était le robinet. Il fuyait. Et dans l’évier en aluminium, ça faisait un bruit assourdissant. Entêtant. Comme pour marquer le temps qui passe. Chaque goutte, c’était comme pour annoncer : « une seconde de moins dans ton existence ». Je me demande si ce n’est pas ce robinet qui m’a poussé à faire tellement de choses dans ma vie. A courir après ce temps qui passe si vite.

Maintenant, je suis vieille. La vie n’a pas perdu son sens, juste un peu de saveur. Les sensations sont différentes, les sentiments aussi. Je ne pourrais plus dormir sur ce vieux matelas que j’avais trouvé au coin d’une rue. Quelqu’un avait sans doute souhaité s’en débarrasser. Il avait finalement occupé ma toute petite chambre pendant quelques années. Au dessus, j’avais collé des photographies, en noir et blanc. Comme pour faire une tête de lit, pour ajouter un peu de luxe dans ma pauvre existence. J’avais mis une affiche aussi, de cinéma. Un film avec un acteur que je trouvais tellement beau ! J’avoue ne plus très bien me souvenir des circonstances de l’obtention de ce petit trésor…

Dans le salon, j’avais mis une table, deux chaises et quelques coussins, que j’avais cousus à la machine. Il y avait une ampoule à nu au plafond. Le soir, je préférais allumer des bougies, finalement c’était peut-être moins cher. Et ça faisait une belle ambiance !

Et puis, quand le bruit de l’eau qui coulait du robinet devenait trop oppressant, lorsque le matelas était trop dur, et la luminosité trop faible, je descendais sur la plage. Oui, celle où nous sommes aujourd’hui. Tu vois, parfois le destin nous enracine quelque part. Moi, je n’ai jamais bougé. J’ai rencontré ton grand-père, nous avons eu ta maman. Nous avons pris un appartement un peu plus grand, juste à l’étage du dessus, mais je garde un souvenir intact du tout premier. Et le dimanche, même quand il pleuvait, on descendait sur la plage, un peu comme aujourd’hui, ramasser des coquillages, et écouter les hommes vivre. Tu sais, à bien y réfléchir, je crois que ce robinet n’a finalement jamais cessé de fuir…

[A suivre...]

3 commentaires:

  1. Le texte 1, malgré les erreurs soulignées par mon chéri, donnait envie de connaître la suite. De toute façon, je ne suis pas quelqu'un qui écrit forcément très "bien" donc j'ai du mal à avoir des critiques pour les textes des autres.

    J'aime la suite! Les arrêts sur image c'est une bonne idée. J'ai une préférence pour le texte 2, mais je ne saurai pas dire pourquoi.

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  2. Moi je préfère celui-là, pour le fond comme la forme.

    J'aurais peut-être mis "je me sens vieille", mais je suis influencé car ma grand-mère dit ça tout le temps.
    Seul passage un peu flou et petit conseil: comme tu as beaucoup de détails qui donnent toute sa saveur au texte, il y a un peu dissonnance quand tu parle vaguement d'un film avec "un acteur". Quitte à en faire une femme de gout, un film de James Dean, Hitchcock ou bien Humphrey Bogart pour du vraiment vieux (l'affiche d'Un tramway nommé désir...).

    Sur un plan un peu plus décalé, je pense qu'on va t'offrir une clepsydre (déjà dans l'arrosoir...) ;)

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  3. Eric avait posté un commentaire, mais je ne sais pas pourquoi il ne s'affiche pas, alors pour réparer l'erreur, le voici :

    Moi je préfère celui-là, pour le fond comme la forme.

    J'aurais peut-être mis "je me sens vieille", mais je suis influencé car ma grand-mère dit ça tout le temps.
    Seul passage un peu flou et petit conseil: comme tu as beaucoup de détails qui donnent toute sa saveur au texte, il y a un peu dissonnance quand tu parle vaguement d'un film avec "un acteur". Quitte à en faire une femme de gout, un film de James Dean, Hitchcock ou bien Humphrey Bogart pour du vraiment vieux (l'affiche d'Un tramway nommé désir...).

    Sur un plan un peu plus décalé, je pense qu'on va t'offrir une clepsydre (déjà dans l'arrosoir...) ;)

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