jeudi 30 août 2012

Veille de rentrée...

C'est de ce moment là dont je souhaite vous parler... Cet instant qui vient juste avant. Celui où on attend là, sur le canapé, la télé éteinte, l'ordinateur sur les genoux. Ce moment là où on ne sait plus trop quoi faire vu que tout est déjà fait. 

Il faut passer le temps. Drôle d'expression finalement. Comme les grains de sable dans une passoire. Ou l'eau des pâtes, mais ça va plus vite. Le plus étrange, c'est que finalement, le temps ne passe pas. Peu importe la taille des grains ou des trous dans la passoire. Ca ne veut pas. Comme si soudainement, tout fonctionne au ralentit. 

On clique, on navigue. Et puis on en a vite assez. Il n'y a rien de neuf sur nos blogs préférés, les photos sont déjà triées et on n'a pas vraiment envie d'écrire un nouveau texte. L'ordinateur est alors vite abandonné. Tiens ? Si on faisait un gâteau ? Le chocolat effacerait peut-être la déprime qui s'installe vicieusement. On ouvre le frigo. Mais il ne reste qu'un oeuf. Et avec un oeuf, on ne fait pas ce super gâteau au chocolat qu'on aime tant. "Tu n'as qu'à en faire un autre !". Mais non, c'était celui là qu'on voulait faire. Avec le croustillant du dessus et le moelleux à l'intérieur. 

Tant pis, on va feuilleter un magasine. Cinq minutes, tout au plus. Parce qu'on l'a déjà lu. Les mots fléchés sont déjà tous faits. Sauf les mots impossibles à trouver. Et quelques grains de sable glissent encore, ça et là, le long des pages. On soupire, bruyamment. Le regard glisse, doucement, vers la fenêtre. Dehors, il pleut. Il fait gris. Pas encore froid, mais ça ne saurait tarder. Pas moyen d'aller se balader. Mais pour aller où, de toute façon ? 

Alors on retourne sur le canapé, on commence à s'intéresser à de tout petits détails. "Tiens, je n'avais pas fait la poussière sur ce coin de meuble !" . "Ah, le chat a du se frotter contre cette partie du canapé !". On se relève. On vérifie son sac. On vérifie ses trousseaux. Pour la énième fois. On regarde si tous les stylos rouges sont bien dans la trousse. On jette un oeil sur la liste des élèves. "Quels prénoms bizarres !". Dehors, une feuille tombe d'un arbre. C'est sûr cette fois, demain, c'est vraiment la rentrée... 


mardi 28 août 2012

Le sac rouge (3)

Arrêt sur image 2 : Eloïse

Je me souviens de ces années, de mon tout premier appartement. J’en étais tellement fière, quelques mètres carrés pour moi toute seule. A l’époque tu sais, ce n’était pas si simple, on ne partait pas comme ça de chez ses parents. Mais à vrai dire, pour moi, c’était un peu différent, mon père était mort depuis longtemps, et ma mère buvait bien trop pour se rendre compte de quoi que ce soit. 

La première fois, j’ai tourné lentement les clés dans la serrure. J’étais à la fois excitée et apeurée. Dans l’entrée, il y avait un tout petit placard, sur la droite. J’y avais soigneusement rangé mes chaussures, les unes à côté des autres. Tu sais, je n’en possédais pas beaucoup, quatre paires tout au plus, une par saison finalement. J’y avais mis aussi mon parapluie, un peu de cirage et une brosse à chaussures. A côté du placard, un porte-manteau, avec mon ciré, pour les sorties en mer, et ma veste de ville, pour les courses et l’église.

A gauche, c’était la cuisine. Je m’en souviens très bien, elle était minuscule. Un évier, une gazinière, un petit meuble de rangement, un frigo. J’avais aussi réussi à récupérer un petit four, chez une amie qui ne s’en servait pas. Elle ne savait pas faire la cuisine. Tu te rends compte ? Quand je pense à tous les gâteaux que j’ai pu faire dans ce four ! J’ai toujours aimé cette cuisine. Comme on dit, petite mais fonctionnelle. La seule chose qui m’agaçait, c’était le robinet. Il fuyait. Et dans l’évier en aluminium, ça faisait un bruit assourdissant. Entêtant. Comme pour marquer le temps qui passe. Chaque goutte, c’était comme pour annoncer : « une seconde de moins dans ton existence ». Je me demande si ce n’est pas ce robinet qui m’a poussé à faire tellement de choses dans ma vie. A courir après ce temps qui passe si vite.

Maintenant, je suis vieille. La vie n’a pas perdu son sens, juste un peu de saveur. Les sensations sont différentes, les sentiments aussi. Je ne pourrais plus dormir sur ce vieux matelas que j’avais trouvé au coin d’une rue. Quelqu’un avait sans doute souhaité s’en débarrasser. Il avait finalement occupé ma toute petite chambre pendant quelques années. Au dessus, j’avais collé des photographies, en noir et blanc. Comme pour faire une tête de lit, pour ajouter un peu de luxe dans ma pauvre existence. J’avais mis une affiche aussi, de cinéma. Un film avec un acteur que je trouvais tellement beau ! J’avoue ne plus très bien me souvenir des circonstances de l’obtention de ce petit trésor…

Dans le salon, j’avais mis une table, deux chaises et quelques coussins, que j’avais cousus à la machine. Il y avait une ampoule à nu au plafond. Le soir, je préférais allumer des bougies, finalement c’était peut-être moins cher. Et ça faisait une belle ambiance !

Et puis, quand le bruit de l’eau qui coulait du robinet devenait trop oppressant, lorsque le matelas était trop dur, et la luminosité trop faible, je descendais sur la plage. Oui, celle où nous sommes aujourd’hui. Tu vois, parfois le destin nous enracine quelque part. Moi, je n’ai jamais bougé. J’ai rencontré ton grand-père, nous avons eu ta maman. Nous avons pris un appartement un peu plus grand, juste à l’étage du dessus, mais je garde un souvenir intact du tout premier. Et le dimanche, même quand il pleuvait, on descendait sur la plage, un peu comme aujourd’hui, ramasser des coquillages, et écouter les hommes vivre. Tu sais, à bien y réfléchir, je crois que ce robinet n’a finalement jamais cessé de fuir…

[A suivre...]

lundi 27 août 2012

Le sac rouge (2)

Arrêt sur image 1 : Lucie

« Tu ne seras plus jamais seule ». Et elle y avait cru. Elle avait pensé que tout était devenu simple, et que plus rien ne serait comme avant. Elle avait espéré changer de vie, changer de destin. Cette phrase l’avait bousculée, émue, puis rendue euphorique. Elle s’était mise à nouveau à rire et à croire à demain. Tout  était devenu facile, futile, rayonnant. Elle avait recommencé à tirer deux traits sous ses yeux, avec un crayon noir, elle avait repris son habitude de passer un peu de rouge sur ses lèvres, avec son doigt.
Elle avait choisi d’emménager rapidement avec lui. Pour la facilité. Parce qu’elle travaillait à proximité de son domicile. Pour quitter la folie de sa propre maison aussi. Peut-être. Leur vie à deux était belle, idyllique. Les petits-déjeuners au lit, les massages au milieu de l’après-midi, les mots doux sur le frigo, l’amour qu’ils aimaient faire si souvent, les slows qu’ils dansaient inlassablement, dans les cinquante mètres carrés de leur appartement. Parfois, elle pleurait. Alors, il lui disait simplement de ne pas douter.
Il l’avait demandé en mariage. Un dimanche après-midi un peu trop gris, sur une belle plage. Les pieds dans les bottes, les larmes plein les yeux, elle avait dit oui, avec ce sourire immense qui lui va si bien. Ce jour là, il n’existait plus personne autour d’elle, juste lui, juste eux, dans l’immensité de ce paysage qu’ils aimaient tant.
Benjamin était né. Deux années plus tard. De magnifiques boucles brunes, la mélancolie de sa maman dans les yeux, et la force de caractère de son papa. Ils avaient pris pour habitude de pêcher à pied, le dimanche sur la plage de leurs fiançailles. Le petit garçon aimait découvrir, courir sur la plage avec son papa, il aimait sauter à pieds joints dans les flaques, goûter un peu la mer avec son doigt, comme sa maman, lorsqu’elle met du rouge sur ses lèvres.
Un jour, il est parti. Sans laisser d’adresse. Ni répondre au téléphone. Pourtant, Lucie avait cru à ses promesses. Elle avait cru au changement de destin. Elle avait cru un jour que les vies pouvaient basculer. Lorsqu’il lui avait dit « tu ne seras plus jamais seule », elle avait pensé qu’il s’agissait de lui. Pas de Benjamin. Mais l’enfant lui, était bel et bien là, demandeur d’amour, de tendresse et d’affection. L’enfant était là, et elle ne pouvait pas l’abandonner.
Lucie a continué à l’emmener, là sur la plage des fiançailles. Mais elle a arrêté de tirer deux traits sous ses yeux, et de mettre du rouge sur ses lèvres. Son regard reste infiniment triste. Lorsque l’enfant est à l’école, Lucie regarde par la fenêtre. Espérant croiser des yeux l’auteur de son destin. Pour lui lancer des éclairs, pour lui crier sa colère. Sa tristesse. Sa solitude…
Un dimanche un peu trop gris, Lucie emmena Benjamin sur la plage. La marée était montante, Benjamin mouilla l’intérieur de ses bottes jaunes. Il avait les pieds trempés. Mais peu importe. Là dans l’eau, pendant qu’il cherchait des coquillages, il avait vu son reflet. Et en son concentrant bien sur son image, il avait pu distinguer des traits qui forgeraient définitivement l’armure de son destin : la mélancolie de sa mère dans les yeux, et la force de caractère de son père.

[A suivre...]

dimanche 26 août 2012

Le sac rouge (1)

La mer remonte, déjà. Les pêcheurs à pied s’attarderont encore, une demi-heure peut-être… Aujourd’hui, c’était une belle journée. Il y avait beaucoup à trouver. Les couteaux sortaient facilement, le sable était bien dur. En se penchant un peu plus, on pouvait même chercher de très beaux coquillages.

La mer remonte, déjà. Le soleil certes, n’était pas au rendez-vous, mais finalement, il n’avait pas plu non plus. Pourtant, les plus vieux avaient des douleurs,  ils avaient prévenu. Mais les anciens aussi peuvent se tromper, parfois. Surtout lorsque l’on décide de ne pas les croire.

La mer remonte, déjà. Les promeneurs s’attardent. Il fait si bon de flâner, ne pas compter le temps, ne pas compter les heures. Les vagues viennent lécher les pieds des plus aguerris. Aujourd'hui, on ne travaille pas, alors on a le temps. Surtout, ne pas penser à demain, profiter de l’instant. Les bottes jaunes du petit garçon seront bientôt trempées, mais le moment est si important pour lui…

La mer remonte, déjà. Et toi tu cours. A perdre haleine. Après le temps, la vie, l’amour… Tu cours à en perdre le souffle, tu cours à en fuir tes démons. Tu cours, tu ne t’arrêteras plus… La mer ne te rattrapera jamais. Tu cours, les promeneurs te regardes, mais tu cours, tu disparaîtras au coin d’une rue, et on ne te reverra plus, là sur cette plage, avec ta veste noire, et tes cheveux au vent.

La mer remonte déjà. Petit à petit, les pêcheurs à pied reprennent leurs affaires. Certains ont encore de la route à faire, d’autres ont un plat qui mijote sur le feu… Il faut retrouver son sac, ne pas oublier le seau. Porter la glacière, relâcher quelques prises. Rhabiller les enfants. Marcher vers le parking, en posant les pieds délicatement, pour que le sable n’entre pas à nouveau dans les chaussures.

La mer remonte, déjà. Des visages ce sont croisés. Connus, inconnus. Des regards se sont fait face. Parfois un bonjour, parfois un sourire gêné. Souvent, on baisse les yeux. On n’entre pas dans l’existence d’un autre aussi facilement. Peut-être a-t-on simplement peur que l’autre pénètre dans la notre sans préavis ? Qu’y trouverait-il ? Des secrets inavouables ? Des regrets infinis ? Des amours perdues, retrouvées ? De l’ennui ?

La mer remonte, déjà. Les portières claques. Les grandes familles se séparent, les oncles font des bisous qui piquent, les tantes embrassent les plus petits. Les enfants tendent les mains à travers les vitres, la pluie se met à tomber. Le grand-père assit à l’arrière assure qu’il l’avait bien dit. On sent l’iode. On sent venir le blues. Ce blues qui nous attend là, lorsque l’on rentre, le dimanche soir.

La mer remonte, déjà. Là-bas, sur la plage, un sac. Un joli sac à dos rouge. Perdu. Abandonné. Jeté là. Au milieu de rien. Au milieu des grains de sable qui s’immiscent partout. Au milieu de cette étendue sauvage, enfin désertée. La tirette est encore ouverte, on peut voir l’intérieur de la poche principale. Quelques gâteaux, une bouteille d’eau, une petite pelle, un lapin en peluche, un appareil photo numérique.

La mer remonte, déjà. Là bas, posé, comme une tâche dans le gris du paysage, sous la pluie d’un dimanche un peu maussade, un joli sac à dos rouge, qui ne retrouvera jamais son propriétaire.

[A suivre...]

vendredi 24 août 2012

Un monde virtuel...

Des pieds... Quatre pour être précis. Deux nus. Avec un joli verni à ongles rouge. Et deux emballés dans des chaussettes blanches, qui sont certainement passées à la machine avec des vêtements foncés. On remonte, le long des jambes. Et là... Un ordinateur. Non, deux. Un sur chaque paire. Des mains, quatre, qui tapent sur le clavier. Presque avidement. Comme en recherche de quelque chose. Un peu plus haut, appuyés contre des coussins, deux têtes. Des visages fermés, anxieux. En pleine réflexion.

Pas un bruit dans la pièce, seulement le soufflement des machines qui souffrent de la canicule. Et puis, les doigts sur le clavier.

Lui, se racle la gorge. Juste une fois. Comme pour briser ce silence peut-être un peu trop pesant. Elle cligne des yeux, plusieurs fois, mais ça ne fait pas de bruit.

Le regard rivé sur l'écran, ils communiquent. Pas entre-eux, ça non. Ils communiquent au monde entier. Ils communiquent leurs passions, leurs vagues à l'âme, leur souffrance, ou leur bien être. Ils communiquent le vrai comme le faux, Peu importe, puisqu'ils en parlent.

Deux heures auparavant, ils ont regardé un film. Ensembles. Dans la même position. Les pieds n'ont pas bougé, leurs yeux non plus.  Le film leur a plu. C'était intéressant, prenant, voir angoissant par moment. Juste après le générique de fin, chacun a récupéré son ordinateur. Pour partager. Avec le monde. Pour dire ce qu'ils ont aimé, détesté, ce qui les a surpris, frappé... Mais rien entre-eux, pas un mot, surtout, peut-être la peur de parler trop fort...

Elle, se sent un peu prostrée, plus vraiment vivante. Presque virtuelle. Lui, ne sait pas trop. Il voudrait bien dire une phrase, ajouter quelque chose. Il se racle la gorge, une nouvelle fois.

Pourtant ils s'aiment. Ou alors, ils se sont aimés. Ou bien...  En tout cas, il y a eu quelque chose. Forcément. Pour finir à deux dans un appartement. Pour avoir envie de se faire à manger ensemble, de partager les corvées, de se répartir les tâches... Pour avoir envie de se coucher à deux, de rire à deux... Il y a eu quelque chose c'est sûr.

Elle, cherche sur Internet. Amour... Des citations, des images, une définition. La clé ? "Ce n'est pas dans ta machine que tu trouveras la clé du bonheur jeune fille !". Une pensée furtive pour son grand-père. 
Lui est dérangé par un insecte, un moustique certainement. D'un geste agacé, il le chasse. Et dans son élan, il la bouscule, légèrement, elle, qui partage son coin de lit. Alors il prend conscience. Il se souvient qu'elle existe, qu'elle est à côté de lui, qu'elle a peut-être besoin de lui...
"Pardon...".
Il l'embrasse. Longuement. Langoureusement.
Elle, surprise. Mais heureuse. Furtivement, ses yeux fuient vers l'écran, la messagerie instantanée a ouvert une nouvelle fenêtre. C'est lui, quelques secondes avant le début du baiser. "Veux-tu m'épouser ? "

jeudi 23 août 2012

L'arrosoir...

Un texte écrit il y a quelque temps, en étroite collaboration avec Camille, pour un de ces projets aux beaux-arts...

De la fenêtre de son petit appartement, Lucie peut voir les arbres, les écureuils qui sautent de branches en branches, les grands sapins qui semblent vouloir caresser le ciel… Mais ce soir ses volets seront fermés, seules trois raies de lumière seront visibles lorsque l’on regardera en direction de la chambre.  Ceux qui s’y intéresseront un peu plus, ceux qui plisseront les yeux pourront y voir une silhouette, assise sur une chaise de bureau. Le dos courbé,  les mains sur le visage, on pourrait croire qu’elle pleure. Quelques uns auront envie d’aller sonner pour découvrir le secret de la jolie demoiselle qui habite ici, d’autres passeront leur chemin, des gens malheureux il y en a tellement…
Lorsque l’on pousse la porte de l’appartement de Lucie, tout est calme, tout respire la sérénité. Il y a beaucoup de plantes, beaucoup de fleurs en pot… Le lieu ressemble à cette petite boutique du fleuriste qu’on à croisé en venant. La lumière tamisée incite à la douceur, au repos. A gauche, le salon. Seuls les rideaux de couleur fraichement passés à la machine indiquent une présence récente. Une casserole d’eau bouillante est sur le feu dans la cuisine, et le robinet fuit un peu. Les gouttes qui tombent régulièrement au fond de l’évier nous rappellent le temps qui passe. Lucie n’aime pas le temps qui passe. Elle n’aime pas les montres, elle n’aime pas les horloges, elle déteste les tic-tac, les calendriers, les réveils… Lucie rêve d’arrêter le temps, pourquoi pas dans les bras de cet homme qu’elle a croisé un peu plus tôt dans la matinée. Dans son salon, on trouve un piano droit, noir. Elle a cru bon de le décorer avec des petits autocollants, en forme de fleurs. Quand on l’interroge, elle prend cet air enfantin qu’on aime tant, elle plisse un peu les yeux, et dans un grand sourire elle dit tout simplement : « ça rajoute de la couleur non ? ». A côté du piano, fier, sur l’enceinte de la chaîne hifi, on trouve un arrosoir. Quel objet insolite dans ce si petit appartement sans même un balcon ! Lucie aime les arrosoirs.  « Ils sont à contre temps » aime-t-elle à dire souvent. Mais derrière son visage d’ange, on sait très bien qu’il ne faut pas aller plus loin. L’arrosoir, c’est l’histoire de Lucie, toute son histoire depuis sa naissance, jusqu’à ses 25 ans aujourd’hui. L’arrosoir, c’est peut être ce qui l’empêche de grandir, mais c’est ce qui l’empêche d’avoir peur. Cet arrosoir là est bien plus qu’un simple ustensile pour arroser les plantes. Cet arrosoir, pour Lucie, c’est sa vie.
Si on patiente un peu, parfois Lucie vous offre un thé. A la menthe ou au citron, « je n’ai rien d’autre ». Ce soir, il faudra peut-être patienter plus longtemps, l’eau sera trop chaude, elle l’aura oubliée, et puis ce robinet qui l’agace, et puis « pourquoi faut-il toujours que les hommes s’en mêlent ? ». Mais on n’insiste pas. On prend du temps pour la regarder faire, tous ses gestes sont d’une douceur infinie. Tout semble maîtrisé, jusqu’à la dernière goutte qu’elle verse dans votre bol au-dessus du petit sachet. Ne vous risquez pas à lui demander ce qu’elle faisait avant votre arrivée. Vous vous heurterez à ce mur qu’elle a su si bien former entre elle et le monde. Ce que vous pouvez dire ? Seule Lucie le sait. C’est elle qui vous guide, qui vous montre le chemin. Il faut être attentif, saisir toutes les opportunités, et ne pas avoir peur du temps. Ne regardez pas l’heure, elle en serait blessée, faites tourner la cuillère deux ou trois fois dans le bol avant de prendre la parole…
Lucie n’est pas une femme comme les autres. C’est une hirondelle fragile, qui ne se laisse pas attraper facilement. Elle ne vous ouvrira pas son cœur, même si vous lui avez déjà ouverts les bras. Elle vous ouvre la porte de son appartement, et c’est déjà bien suffisant pour elle. Et si vous voyez l’arrosoir, vous devez comprendre. Fermez les yeux un instant, au milieu de son salon. Les parfums des plantes et des fleurs vous enivre peu à peu, la tête vous tourne, mais tenez bon. Quand vous ouvrez les yeux, le décor a changé.
Lucie est encore une petite fille, sa mère la fait tourner en la tenant à bout de bras. Elle rit aux éclats. Elles sont dans un immense jardin, elles semblent heureuses, et pourtant… Pourtant le père de Lucie est mort, avant sa naissance. C’est sa mère qui lui a dit, et Lucie y croit, « parce que les mamans, ça ne ment jamais ». Et puis un jour, Lucie reçoit un gros paquet. « De qui est-ce ? » avait demandé la fillette, et sa mère s’était contenté de répondre qu’elle ne savait pas. Lucie  ouvre, sans trop s’inquiéter. Elle en sort un immense arrosoir. Immense pour cette gamine haute comme trois pommes. Lucie est contente de son cadeau, et ne s’en sépare plus, même si ça semble embêter maman.
Alors, fermez les yeux à nouveau, et revenez dans le salon actuel de Lucie. Elle aura sans doute cet air un peu loufoque qu’elle aime prendre quand il s’agit de dédramatiser. Vos yeux se posent sur l’objet posé sur le haut parleur à côté du piano. Oui, c’est bien le même, Lucie l’a gardé, tout ce temps. Mais le temps n’a pas d’importance, ne l’interrogez toujours pas, regardez la dans les yeux, il sera alors temps de l’embrasser. Après ce baiser, elle vous proposera de s’asseoir, et vous racontera.
Lucie vous emmène alors à nouveau dans son jardin. Elle a grandi, l’adolescence commence à laisser des marques sur son corps. Elle a l’air bouleversée. Vous apprendrez bien vite que cette attitude est normale. Pour la première fois, Lucie a retiré le pommeau de l’arrosoir. Avant ce geste, elle avait longuement caressé ses formes sensuelles, ses rondeurs, elle avait parcouru l’anse avec ses doigts, elle avait hésité, et puis la curiosité avait été plus forte. Dans le pommeau, elle avait trouvé une lettre. Juste quelques mots. D’un inconnu.  «  Lucie, je ne veux pas que tu penses que j’existe. Cet arrosoir sera mon premier et unique cadeau. Un arrosoir, c’est un peu un objet à contre temps non ? Je t’aime ! ». A contre temps ? Ce sont ces termes là qui ont marqué à jamais la vie de Lucie.
Alors attardez-vous avec elle sur le sens de ces mots. Sa mère s’y est toujours refusée. Mais vous, vous pourrez lui expliquer. Lui expliquer que la vie est pleine de surprises qu’on n’attend parfois pas. Lui montrer qu’elle est belle, même quand des êtres vous manquent. Lui montrer qu’on ne peut pas s’attendre à tout, et que certaines choses semblent être à contre-courant. Cet homme qui lui avait offert cet arrosoir, n’avait que pour intention de lui offrir un petit bout de lui pour que jamais elle ne l’oublie sans pour autant soupçonner son existence. Dites-lui de ne plus avoir peur du temps qui passe, que ce soir d’anniversaire elle n’est pas seule. Elle n’est plus seule. Qu’il n’y a qu’un seul arrosoir dans sa vie, et que malgré toute l’eau qui s’échappe de ses yeux, il n’y en aura jamais d’autres. 
Peut-être qu’elle vous prendra dans ses bras. Peut-être qu’elle comprendra. Peut-être qu’elle vous racontera le reste de son histoire. Peut-être qu’elle vous fera confiance. Peut-être pas. Mais au moins, vous aurez essayé…
-    Merci monsieur, mais pourquoi me dites-vous tout ça ? Et qui êtes vous pour en savoir tant ? Son petit ami ? demandais-je sans cacher ma déception.
-    Non, je suis son père, et vous semblez être quelqu’un de bien pour ma fille…
Le vieil homme tourna les talons, me laissant un peu perplexe. J’étais maintenant seul, face à la fenêtre du petit appartement de Lucie. Je jetai une dernière fois un œil dans la direction opposée : l’homme à la démarche fragile portait dans sa main un objet qui m’était familier. Pourquoi ne l’avais-je pas remarqué quand nous nous sommes croisés ? En plissant les yeux, je tentais d’en identifier la forme : un arrosoir…

Un jour tu écriras...

Parfois, on y croit. On pense que cette fois c'est la bonne. Qu'on arrivera au bout. 
Et puis non. Ca ne vient pas. Ca n'avance pas. On s'énerve un peu, et finalement, on arrête tout. On se dit que peut-être, un jour, ça arrivera. Mais pas maintenant. Ca n'a pas l'air d'être le moment. 
On laisse passer, des semaines, des mois. Et on finit par trouver ça dommage. Alors on recommence, on se relit. On trépigne face à l'ordinateur, en quête d'idées neuves. Elles surgissent, elles fusent, mais nous obligeraient à tout recommencer. Et on n'a pas le courage. 
Et un de plus d'inachevé...
Combien de romans débutés, qui ne se verront jamais finir ? Combien de nouvelles transformées et re transformées sans trouver la bonne formule ? 
Mon ordinateur est plein de mots. Des mots doux, tendres, qui apaisent. Des mots durs, incisifs, des mots qui effrayent, qui rendent tristes aussi. Des mots qui aujourd'hui, n'ont plus envie de rester seuls. 
Mes personnages se ressemblent beaucoup selon les histoires. Parfois même, ils ont le même prénom. Pendant tout ce temps, j'ai crée un univers : le mien. Aujourd'hui, je souhaite simplement l'ouvrir au plus grand nombre. 
J'ai besoin d'avis, de commentaires. Qui sait peut-être, une petite phrase de vous me poussera à enfin écrire l'Histoire, celle qui traîne dans un coin de ma tête depuis quelques années, et qui n'arrive pas à se révéler... 

En attendant, je vous souhaite de lire, de déguster, de ressentir, ces mots inédits tout droit sortis de ma plume, ou du bout de mes doigts... 

Un jour tu écriras... En attendant, écris !