Il avait poussé la porte de sa maison. Doucement. Comme s’il ne fallait réveiller personne. En pleine nuit, il avait pris quelques affaires. Son lecteur Mp3. Un peu d’argent. Une autre paire de chaussure, quelques biscuits, un ours en peluche. Il fallait partir. Maintenant.
Dehors, il ne faisait pas vraiment froid. C’était l’été de toute façon. Il avait quand même pris un gilet. Qui sait vraiment quel temps il fait là où il va. Mais d’ailleurs où va-t-il ? D’un pas pressé, il avait pris la route, en direction de la sortie du village. Le moindre bruit le faisait sursauter. L’éclairage public ne fonctionnait plus depuis longtemps. Heureusement, la lune était pleine, et semblait vouloir le guider. Les battements de son cœur faisaient un bruit assourdissant.
Tremblant d’angoisse, il avait pris le petit sentier qui l’éloignait de la route principale. Quelques buissons, pour se réfugier, au cas-où. Pour se cacher. Depuis tant d’années, il avait fini par ne plus comprendre qui était vraiment l’ennemi. Du haut de ses dix ans, il savait seulement qu’il n’était pas né au bon endroit, au bon moment. Mais il n’en voulait à personne. Ou alors juste à la folie des hommes, peut-être. Mais lui, ne pouvait rien y faire. Rien y changer. Il voulait juste fuir. Le plus loin possible.
Il fallait encore traverser le deuxième village. Etaient-ils aussi passés par là ? Avaient-ils fait de cet endroit un nouveau quartier général ? A cette idée, un frisson glacial lui avait parcouru l’échine. Mais il n’avait pas le choix. Contourner le mettrait terriblement en retard. Il avait pressé le pas, comme pour se mettre au rythme des battements de son cœur.
Le village était désert. Peut-être seulement en apparence. Il restait prudent, attentif au moindre indice, au moindre bruit. Encore la maison de la dame aux épices. Le potier. L’écurie. Ca y est, il quittait ce lieu qui lui semblait hanté. Pourtant, il avait tant joué ici, à faire du vélo, à embêter les vieux assis sur leur banc, sur la petite place du village. A faire des batailles dans la fontaine. A rire, comme des enfants. Mais ici, et maintenant, on n’avait plus vraiment le droit d’être un enfant…
Au loin il avait entendu la mer. Le bruit des vagues. Elle semblait calme, peut-être que la chance avait tourné. Il avait repensé à ces moments passés sur là-bas. A faire des châteaux avec son papa. A aller chercher des coquillages avec sa tante. Il s’était souvenu de ces moments où on pouvait traîner dans le sable, se reposer sur une plage, sans avoir peur du lendemain. Il s’était rappelé d’un «n’brik », glissé par sa maman, au creux de son oreille, un soir de juin, sur une immense serviette. De l’eau avait coulé sur ses joues. D’un geste rageur, il s’était essuyé les yeux. Il avait besoin de toutes ses capacités visuelles pour repérer les passeurs. Là-bas, des ombres s’agitaient, autour d’un radeau de fortune. Il était sauvé…
Il avait poussé la porte de sa maison. Doucement. Laissant derrière lui l’horreur. Le crime. Le sang. Les corps de ses parents, gisants au milieu du salon. Assassinés par ceux qui avaient oublié que sa religion prônait l’amour du prochain.
Il avait poussé la porte de sa maison. Doucement. Comme pour les laisser dormir, paisiblement. Comme ils ne l’avaient plus fait depuis tellement longtemps…
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