Dans l’appartement.
C’est dit. Les chats détestent les régimes. Enfin, Aragorn déteste les régimes. Il est pénible. Ultra pénible. Mais tu vas t’enlever de mon ordi oui ? J’essaye tant bien que mal de préparer mes leçons du lendemain, malgré l’énorme masse poilue qui envahi mon clavier d’ordinateur. J’abandonne. Je n’atteins même pas la lettre Q. Tant pis. De toute façon à quoi bon ? Demain je n’aurais pas le temps de faire la grammaire, car la compréhension du texte aura pris plus d’une heure. Comme Laurie n’aura pas ses affaires, nous perdrons un quart d’heure à expliquer comment faire lorsqu’on manque de matériel. Et puis on changera à nouveau de place, parce que ça bavarde trop, et que ce serait vraiment trop simple de les laisser toujours au même endroit pour mémoriser les prénoms… Je n’avais jamais remarqué à quel point j’étais blasée en fait.
Pour mettre à profit mon temps libre forcé, j’envisage de ranger l’armoire du couloir. En ouvrant le premier battant de porte, une chose informe et beige me tombe dessus. Oh, mon chapeau de soleil ! Quelques grains de sable accompagnent sa chute. Il est loin le temps des longues marches sur les plages, au petit matin. Mon petit mobil-home dans le camping de Kernovan. Les roses trémières. Les parties de pétanques. Les longueurs à la piscine, juste avant le plateau de fruits de mer. La mer me manque. Ma mère aussi d’ailleurs. Mais il est trop tard pour un coup de fil. Et je n’ai plus aucune envie de ranger. Le cœur un peu gros, je rejoins mon grand lit vide, mes horribles draps aux motifs de célibataire et je plonge dans un sommeil peuplé de petits monstres aux stylos verts.
2
Paul n’a jamais aimé l’Alsace. Culinairement parlant déjà. La choucroute : quelle hérésie ! Le baeckeoffe : une abominable mixture au goût trop prononcé de mouton. Et puis la météo. Un ciel gris les trois quarts de l’année, de la pluie le reste du temps… Et puis, malgré la diversité des paysages, il déteste plus que tout le manque de diversité de certaines mentalités.
Alors, lorsque son patron lui a proposé une opportunité de carrière à ne pas manquer, Paul était à mille lieues d’imaginer que son destin le guiderait dans la région de France qu’il aime le moins. Lorsqu’il a entendu le mot « Strasbourg », il a pensé à son collègue Denis qui devenait papa pour la quatrième fois, à Chantal et sa maman gravement malade, il a regardé sa vie à lui, et il s’est dit qu’il ne pouvait pas leur faire ça. C’était à lui de partir pour cette mission d’un an dans l’est, aversion pour les knacks ou pas.
- Vous verrez, mon cher Paul, vous ne le regretterez pas !
Mais assis dans le train qui l’arrachait à sa Savoie natale, devant son sandwich triangle jambon-plastique-beurre, il regrettait déjà.
[A suivre]
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