samedi 29 décembre 2012

Ces petits plaisirs là...

C'est ce petit plaisir là. Celui qui rend la journée plus belle, ou la nuit moins triste... 

On était allongé sur le canapé, il n'y avait rien à la télévision, ni sur la 2, ni sur arte, encore moins sur TF1 ou sur M6. Rien que des séries qu'on n'avait pas suivi, ou des films qu'on avait déjà vu. Celui qui partage notre vie avait plutôt décidé de passer la soirée avec son ordinateur, même le chat semblait se désintéresser totalement de notre petite personne. 

On avait d'abord soufflé, un peu râlé, puis tenté un petit somme. On s'était retourné, on était passé sur facebook. On avait pianoté quelques notes, on avait écrit quelques mots, mais rien de bien probant. Alors, on était retourné se prélasser, la télécommande en main, tel un trophée de guerre, le regard dans le vague.

On s'était mis à zapper, un petit tour sur le replay, entre dîners presque parfaits et cauchemars en cuisine, et soudain, bien caché, la perle rare. Un petit bijoux, dissimulé entre toutes ces émissions abrutissantes qui passent à longueur de journée. Un diamant, dans un petit écrin, écran... On avait presque eu peur qu'elle ne se lance pas. Pas une pub, pas un bug, un chargement rapide, et on s'était retrouvé en plein coeur d'un concert de Bénabar. 

Pas un immense live, avec des projecteurs, des flammes lorsque le chanteur arrive sur scène en hélicoptère, ni un orchestre complet... Non, un petit concert, intimiste, acoustique, quelques musiciens, deux choristes, et un chanteur. De la musique. Du bonheur pour les oreilles. Des mélodies, des accords connus. On n'avait pas pu s'empêcher de bouger les pieds au rythme des différents morceaux... 

Et puis les mots, ces mots qui racontent "un couple divague sur la maison future", ces mots qui caressent "moi je tombais amoureuse comme on tombe d'une chaise", ces mots qui touchent "moins vite, trainez en chemin qu'on en profite"...  Les mots du poète, de ce poète chanteur, qui en quelques phrases, en quelques notes, a su illuminer notre soirée. 

C'était ce petit plaisir là. Celui qui avait rendu la journée plus belle, et peut-être la nuit moins triste... C'était ce petit plaisir là... Ces petits plaisirs là, souvent bien dissimulés, qui rendent nos vies joyeuses et nos routines heureuses... Comme un immense trésor caché, là, dans un coin du salon...

jeudi 20 décembre 2012

Défi écriture (5)

Voici le nouveau défi d'écriture, proposé par Clémence. Je me suis lancée un défi perso dans le défi : écrire un conte. 

Le thème du défi : Noël
Contexte imposé : Votre action doit se dérouler les 24 et 25 décembre. Je laisse votre imagination nous amener vers des nouvelles de tout genre (policier, thriller, horreur, SF, fantasy, roman d'amour, politique, philosophie de la vie, comptine pour enfant...). 
Mots imposés : neige / sapin / rouge
Forme du texte : libre
Date où vous devez avoir publié : le 25 décembre (of course)
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Il y a bien longtemps, dans un monde que nous ne connaissons pas, dans un lieu dont nous ignorons tout, vivait une vieille dame, solitaire et voûtée, que tout le monde appelait Baboulga. Elle habitait une chaumière délabrée, en bordure de forêt. De la fenêtre de la maisonnette, on peut voir danser les écureuils et leurs pas sur la neige.

En cette veille de Noël, les odeurs d'épices venues des quatre coins du monde viennent nous chatouiller le nez. Tout semble usé, vieilli, usé, rongé par le temps et pour cause : la propriétaire de ces lieux n'a pas moins de 92 ans. Baboulga avait été de ces femmes qui font tourner la tête des hommes. Elle avait été belle et gracieuse, agile et futile. Elle avait aimé plonger ses yeux bleus azurs dans le regard de ses prétendants, et avait toujours eu l'impression de pouvoir les ensorceler. Car c'était bien là son ambition, son rêve le plus intime, le plus fou peut-être, le moins réalisable...

A l'âge de dix ans, Baboulga avait déclaré "plus tard, je serai sorcière !". Elle rêvait de magie, d'étincelles, de baguettes et de balais volants. D'évasion, en somme... La sorcière que Baboulga rêvait d'être n'était pas de ces affreux personnages que l'on retrouve dans les contes de fées les plus sordides. Ce que Baboulga voulait, c'était vivre de magie. 

Mais hélas, la fillette n'avait pas été épargnée par la vie, et coincée sur son lit d'hôpital, la maladie qui la terrassait l'empêchait de s'évader où bon lui semble. Elle avait décidé de se battre, du haut de ces dix ans, se battre pour elle, mais aussi pour les autres. Se battre pour eux aussi, ces enfants zombies que l'on croise dans les couloirs de l'hôpital et qui semblent avoir déjà vécu 92 ans. L'âge de Baboulga aujourd'hui...

Elle gagna son pari. A vingt ans, un 25 décembre, le médecin prononça le seul mot magique de toute sa carrière : "rémission". Baboulga était guérie, il n'y aurait plus de blouse blanche, de piqûre, d'attente interminable, d'avis contradictoires. Il y avait juste la vie, qui avait décidé de lui laisser une chance. Alors Baboulga devint sorcière. Elle devint la sorcière-gentille comme les gamins l'appelaient lorsqu'elle partait en mission en Afrique, elle était la sorcière-bien-aimée dans les bras de ces hommes  qu'elle caressait, elle était la sorcière-maman pour le petit Luca qu'elle avait tant bercé. 

Et la vie avait continué. Agaçante, angoissante, frileuse, peureuse, souvent heureuse. Quatre-vingt douze ans de vie et le combat d'une femme, amoureuse du fado, amoureuse de sa mélancolie. 

De la fenêtre de la petite chaumière, on peut voir danser les écureuils, et leurs pas sur la neige. Aujourd'hui, veille de Noël, Baboulga ferme les volets. Il n'y a plus rien à attendre, il n'y a plus personne. A côté du petit sapin branlant, coupé fraîchement dans la forêt, Baboulga prend dans ses mains ridées la photo de son fils. Le verre est brisé, le cadre est tombé le jour de la mort de Luca. Il n'y a plus rien à attendre, il n'y a plus personne. Le vieux tourne-disque chante "douce nuit". Baboulga s'allonge, sur son lit. Elle fermera les yeux, et s'enfuira enfin, vers cet autre monde, pour rejoindre tous ceux qu'elle aimait. Baboulga s'endort, le sourire aux lèvres. Non, elle n'est pas devenue une vraie sorcière. Mais une chose était sûre, en apprenant à faire danser les étoiles dans les nuit les plus sombres, elle avait découvert comment ne jamais devenir... une grande personne !

lundi 10 décembre 2012

Elisa

Elle avait mis son petit pull marin, pour l’occasion. Rayé bleu et blanc. C’était la première fois qu’elle foulait cette plage. Elle avait longtemps hésité avant de venir. N’était-ce pas là un grosse erreur ? La fin d’une idylle tellement envoûtante ? C’est vrai, elle le connaissait depuis longtemps maintenant. Mais la vie virtuelle avait quelque chose de protecteur. Comme si le danger n’existait pas, par écrans interposés. Derrière son clavier, elle n’avait plus peur de dire les choses comme elle le pense, elle était quelqu’un d’autre.

C’est ce « quelqu’un d’autre » qui inquiétait le plus Elisa. Là, sur la plage, peut-être même sous quelques gouttes de pluie, elle ne pourrait plus tricher. Il faudrait trouver les mots justes, sans se tromper, sans faire d’erreur, sans blesser.

Lorsqu’ils branchaient tous deux leur webcam, le monde d’Elisa se transformait. La vie devenait plus amusante, attrayante. Elle prenait tout son intérêt lorsque le visage de son ami apparaissait sur le petit écran. Des sourires, des cœurs formés avec les doigts, des bisous envoyés avec la main… Jamais de contact réel, jamais de parole prononcée à voix haute. Juste des gestes, et le bruit sec du clavier crépitant sous les doigts d’Elisa, et son cœur battant au rythme des touches.

Elle se remémorait ces conversations interminables, lorsque l’on pense que le monde entier dort déjà. Ces conversations qui rassurent et qui font croire qu’on s’aime. Derrière l’écran, elle s’était dévoilée, elle avait facilement pianoté les sept lettres les plus importantes de sa petite vie de jeune femme.

Devant la désapprobation de ses parents, elle avait décidé de désobéir. Pour essayer, pour voir, pour tenter. Braver l’interdit, pour à nouveau trouver ce brin d’excitation, ce plaisir qu’elle ressentait lorsqu’elle s’inventait une vie par boîtes de dialogues interposées. Maintenant qu’elle y était, l’inquiétude avait remplacé le plaisir. Sera-t-il au rendez-vous ?

Elisa observa longuement un vieux monsieur, assis sur un transat, entouré d’enfants qui riaient en creusant le sable. Elle pensa au bonheur qu’il devait ressentir d’être au milieu de cette marmaille. Elle se dit qu’elle aussi, un jour, elle voulait être grand-mère, et se s'installer, pourquoi pas sur  cette plage, pour observer ses petits enfants, jouant gaiement.

Elle s’assit, dessinant avec son doigt des formes aléatoires sur le sol. Le vent soufflait fort, et les vagues grondaient, mais elle se sentait légère et futile. Pourtant, au fond, tout au fond d’elle, l’angoisse grandissait. Plus les secondes passaient, plus le battement de son cœur accélérait.

Elle repensa à sa mère, qui lui avait reproché son côté trop fleur bleue. Elle se remémora ces instants indécis avec lui, où ils avaient longuement parlé de cette rencontre. C’est lui qui avait choisi la plage, elle s’était laissée porter. Ce rendez-vous tournait la page d’une histoire, elle espérait pouvoir en construire une autre avec lui. Il était beau, intelligent, musicien, poète… Il avait su la séduire par les mots, par ces phrases envoûtantes qui font parfois couler les yeux. Mais les plus grands poètes ne sont pas forcément les meilleurs amants…

Elisa était assise là, sur ce coin de plage, depuis une petite heure. Le temps semblait s’égrainer, s'envoler, insensible à la peur de la jeune fille, tel le sable entre ses doigts. Elle regarda longuement ces hommes et ces femmes venus fouler la plage, un dimanche après-midi. Elle jeta un œil à sa montre, et effaça ses dessins, lentement, de manière quasi-cérémonieuse. Elle sentit la colère monter en elle. De rage, elle essuya une larme coulant le long de sa joue. Le destin n’avait pas choisi le bonheur pour elle aujourd’hui… Déjà seize heures, c’est sûr, il ne viendra plus…