dimanche 26 mai 2013

26 Mai 2013

Des mots, encore des mots...
Des phrases aussi, solides, pleines de sens,
Mais muettes...
Des syllabes et des rimes, des pieds et des vers,
Des lettres...
Un texte.
Et puis des images,
L'envie d’en parler, de retrouver l’espoir,
D’y croire...
La vie,
Qu'on croque à pleines dents,
Ou qu’on insulte impunément,
La vie et l’amour
En grand...
Et le temps qui avance,
Le temps qui passe,
Qui s'attarde,
Qui nous nargue...
Ce temps qui fait peur,
Ce temps qui menace, qui agace,
Se prélasse...
Ce temps qui passe.
Et ceux qui restent
Ce temps qui passe,
Et qui dépasse
Nos points de repères,
Là.
Des mots, encore des mots,
Pour Elles.
Elles qui nous rassurent,
Elles qui nous prennent la main,
Elles qui ont ce regard
Qui nous font oublier demain.
Elles, nos mamans,
Et surtout Elle, que j’aime tant.
Des mots, encore des mots...
Des phrases, muettes et pleines de sens...
Une phrase, solide et en silence...
Deux mots, qu’on ne dit pas,
Deux mots, qu’on chuchote parfois.

Chut... Je t’aime.

samedi 11 mai 2013

Aime moi (11)

Un grand lit, en bois foncé, avec un baldaquin. Elle avait toujours aimé ces lits un peu grandiloquents, qui lui faisaient faire un tour dans ses rêves de petite fille. Sur sa droite, un petit chevet, dans les mêmes teintes, avec un réveil à l’ancienne, qu’on peut remonter. Au sol, le parquet semblait avoir un siècle d’histoires à raconter. La vieille armoire qui contenait les vêtements de Lucie avait elle aussi traversé les âges. Finalement, c’est ce qu’ils avaient aimé, lorsqu’ils y avaient passé quelques jours avec Antoine. Les histoires que racontent les vieilles choses. Là-bas, dans un coin, à côté de son sac de voyage rouge, un joli arrosoir, vert anis. En l’observant attentivement, Lucie comprit alors ce qu’elle avait à faire.
-    C’est là ! pensa-t-elle tout haut.
Elle caressa les courbes de l’objet. Elle avait toujours aimé collectionner les arrosoirs. Leurs formes rondes, parfois rebondies, l’excentricité de certains, la sobriété pour d’autres. Les arrosoirs étaient comme les gens finalement. Tous différents, mais Lucie aurait aimé pouvoir tous les rencontrer un jour. Oui, c’était là. Il comprendrait tout de suite. Plus d’hésitation possible. Elle fouilla dans son grand sac, en sortit une enveloppe. Elle l’enroula soigneusement, retira le pommeau de l’arrosoir, non sans avoir caressé au préalable son énorme réservoir, et glissa l’enveloppe dans le goulot. Elle remit la pomme d’arrosage en place et s’éloigna, le sourire aux lèvres, pour admirer son œuvre. Il devinerait. Il fallait qu’il devine. Sinon, cela ne mènerait à rien. Mais après tout, c’était ce qu’elle voulait savoir non ? Si ça valait le coup…
Ne trouvant pas le sommeil, sans doute trop excitée par ce qu’elle venait d’accomplir, Lucie décida de sortir marcher un peu, malgré la nuit, et le vent glacé qui soufflait depuis le début de soirée. Dehors, elle fit quelques pas, et s’installa près d’une mare, dans l’adorable petit jardin que proposait la maison d’hôtes. Les grenouilles s’étaient tues depuis une heure déjà, comme pour permettre aux touristes de profiter pleinement de leur sommeil.
-    Bonsoir Lucie, je peux vous aider ? fit une voix éraillée de femme.
Lucie sursauta et se retourna. Une femme d’une soixantaine d’année se tenait derrière elle, légèrement voûtée, les mains jointes comme si elle s’apprêtait à prier.
-    Bonsoir Hélène. Vous m’avez fait peur !
Hélène était la tenante de l’établissement. Elle avait passé quarante ans de sa vie à plier des draps, récupérer des objets laissés par les touristes de passage et conseiller des itinéraires plus sympathiques les uns que les autres pour les balades dans le coin. Sans oublier le petit jardin, qu’elle cultivait avec amour et passion pour les arbres, les fleurs mais aussi les animaux. Hélène aimait les chats, il y en avait des dizaines qui réclamaient chaque jour leur pitance le matin dès six heures devant la porte de sa maison. Elle aimait dire parfois qu’elle habitait avec ses invités, car son chez-elle jouxtait la maison d’hôtes, de sorte qu’en sortant de son salon, elle pouvait immédiatement entrer dans la pièce principale du bâtiment, qui contenait guides touristiques, vieux canapés, petite bouilloire et quelques vieux romans, de quoi satisfaire les touristes de passage et autres habitués. Elle avait croisé pour la première fois Lucie et Antoine en mille neuf cent… mille… elle ne savait plus très bien, en tous cas ils étaient bien jeunes, mais ils avaient tout de suite sympathisé. Hélène avait été surprise de revoir Lucie, seule, se présenter hier à l’accueil et demander la chambre Arrosoir.
-    Vous ne trouvez pas le sommeil ? Il y a d’autres oreillers sur l’armoire si vous avez besoin…
-    Non, ne vous inquiétez pas, tout est parfait comme d’habitude. J’ai juste un peu de vague à larmes…
-    On dit plutôt à l’âme non ?
-    N’est-ce pas ce que j’ai dit ?
Hélène scruta le visage de Lucie. Lorsqu’elle l’avait rencontré pour la première fois, elle l’avait trouvé très belle. Son visage encore juvénile rayonnait d’un bonheur sans limite, et d’une envie incroyable de croquer la vie à pleines dents. Aujourd’hui, son visage de jeune femme semblait déjà marqué par un vécu trop lourd à porter…
-    Il fait plutôt froid ce soir, dit-elle comme pour ne pas laisser le silence les envelopper.
-    Oui, mais j’aime toujours autant cet endroit, répondit Lucie.
-    Vous croyez qu’un jour je trouverai quelqu’un pour prendre le relai ?
-    Le relai de quoi ?
-    Je n’ai pas envie que cette maison devienne un hôtel luxueux, avec spa ou jacuzzi. Je ne veux pas que des touristes américains viennent y manger des hamburgers… J’aimerais tellement garder l’esprit, l’authenticité du lieu. C’est toute ma vie ici, je n’ai connu rien d’autre, et je n’ai pas d’enfants pour le transmettre.
A ces mots, la voix d’Hélène se brisa. Comment une femme aussi magnifique n’avait-elle pas pu trouver d’homme pour lui faire de beaux enfants et transmettre son amour des belles choses ?
-    Hélène, vous trouverez. Il y a encore des gens sur terre qui aime la vie telle qu’elle est : toute simple et pleine de petits bonheurs. Je vous le promets.
-    Où est Antoine, Lucie ?
« On y arrive », pensa Lucie. Au loin, une chouette s’envola dans un hululement strident. Le vacarme produit, qui venait de déchirer le silence fit frissonner Lucie. Dans sa tête, elle posa bien ses mots, construisit sa phrase, pour ne pas se tromper. Puis, elle dit :
-    J’espère qu’il repassera, par ici, très bientôt… Mais surtout, surtout ne lui dites pas que je suis venue. Je peux compter sur vous ?
-    Motus, et bouche cousue.
Comme pour accompagner ses propres paroles, Hélène fit un trait invisible sur ses lèvres. Malgré l’âge qui marquait son visage, Lucie y trouva complicité, facétie et surtout, beaucoup d’humanité. Elles discutèrent encore, une bonne heure, de la vie qui allait et venait, de ces hommes politiques qu’elles ne comprenaient pas, de la brocante sur la place du village le lendemain, de la mer, des envies de voyage, et du temps qui passe. Rassérénée, Lucie remercia Hélène, la salua, et retourna dans sa chambre, où le sommeil l’emporta vers des contrées inattendues et nostalgiques.

[Fin du chapitre... Et de la publication...]

lundi 6 mai 2013

Celui qu'on ne doit jamais déplacer...

 Petite pause dans mon roman, et en attendant, petit texte sympa, léger, comme je les aime... :)
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Au commencement, on n'y prête pas attention. Il y en a plein, alors c'est normal, et puis ce n'est que le début... L'euphorie des premiers moments est là, on trouve tout formidable, même si on trébuche dessus, on trouve tout génial même si c'est un énorme chantier. 
Et puis, petit à petit, tout se range, tout s'organise. On devient plus efficace, moins rêveurs. Lui, il est posé là, à côté du bureau, ça nous énerve un peu, on voudrait lui trouver un place, mais on laisse passer. Quand on donne un coup de pied dedans, ça fait très mal, on jure, mais on ne dit surtout rien, pour ne pas gâcher ces moments si tendres, ces premiers moments si intenses, dans le premier appartement à deux.

Mais un jour, c'est la fois de trop. Il prend des proportions gigantesques. On ne voit plus que lui. La chambre semble envahie elle seule par cet unique et énorme carton. La vie ne tourne plus qu'autour de lui. On pense carton, on dort carton, on rêve carton... Alors on prend son courage à deux mains, et on tente de le déplacer. On y arrive, il trouve une place contre le radiateur. Une certaine satisfaction se fait ressentir. Puis la douleur, un mal de dos terrible, et un arrêt de travail pour un carton...

Le temps passe, les mois, le carton reste là. Il devient l'objet de disputes récurrentes. Sera-t-il un jour trié ? Rangé avec les autres ? Jeté ? On s'agace, on s'énerve. Le carton est là, près du radiateur, il gêne quand on passe l'aspirateur, il gêne quand on voudrait ranger autre chose à sa place, il gêne même quand on regarde seulement dans sa direction... Mais on n'ose plus le déplacer à nouveau, la douleur dans le bas du dos est un souvenir trop douloureux. Alors on bouillonne, souvent on extériorise. L'idylle du début devient petit à petit un enfer quotidien. L'enfer du carton plein, l'enfer du carton qui traîne et qui ne sera jamais vidé... On craque, on pleure, on crise. On se promet. On se promet un tri, un changement. On se promet promet des efforts. On se promet ce que l'un comme l'autre on voudrait entendre.... La vie reprend son cours normal.

Et le carton est toujours là, bien ancré sur le plancher, inébranlable. On le regarde et on sourit. L'appartement en lui-même semble emplit de soleil. Pourtant dehors, il pleut. Les petits détails qui nous rendaient dingue deviennent des raisons de se réjouir. C'est comme si tout était harmonie, calme, sérénité. On s'y sent bien dans cet appartement. On s'y sent chez-soi... 

Et si ? Et si un jour il nous prenait l'envie de trier ce carton ? Et si un jour, on entrait dans l'appartement, sans retrouver ce tas de cours devant le radiateur ? Et si un jour, le carton était déplacé ? Rangé ? Caché ?
Peut-être qu'il y aurait comme un soulagement... Mais ce serait alors un grand bouleversement !