samedi 26 janvier 2013

Blog en pause !

Je reviendrai, quand l'inspiration sera de retour ! 

A bientôt chers lecteurs !

dimanche 20 janvier 2013

Kernovan

Un nouveau bébé, et pour qu'il continue à grandir, j'ai besoin d'avis, et surtout d'encouragements ! Alors, à vos commentaires !

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Il n’est pas très difficile d’aller à Kernovan. Le vieux Emile qui habite la maison forestière depuis tant d’années doit pourtant souvent guider quelques touristes égarés, ou visiteurs de passage. Alors, inlassablement, il répète :
-    A la sortie de la forêt, c’est tout droit, vous passerez les champs à votre droite, et vous y êtes !
Kernovan : petite bourgade du sud de la Bretagne, à cent mètres de la mer. Il n’y a pas de plage à Kernovan, seulement des falaises abruptes, que les vagues viennent embrasser continuellement au rythme des marées. Ville fleurie à deux reprises, Kernovan marque souvent les esprits par sa beauté, et surtout la simplicité des petites maisons qui l’occupent. Les quelques mille habitants de Kernovan y ont une vie plutôt paisible, bercée par le chant des mouettes et la floraison des roses trémières.  Au centre, on trouve tous les commerces utiles : un  tabac, une boulangerie, un traiteur, une pharmacie et même un petit centre commercial, sans oublier la boutique de l’antiquaire, et le fleuriste.  Un peu plus loin,  un petit parc arboré, et un manège, qui s’installe lorsque l’été arrive. Sur la grande place de la fontaine, la mairie côtoie les deux écoles de Kernovan : l’école maternelle Charles Baudelaire et l’école élémentaire Paul Verlaine. Un grillage vert entoure cette dernière, et lorsque l’on pousse la grille grinçante pour y entrer, on pénètre dans un monde à la fois mystérieux, bruyant et surtout extrêmement complexe.

-    Mais tu te rends compte ? Je suis professeure des écoles moi, pas instit !
En ce jeudi midi, la salle des maîtres était envahie par des odeurs de fromage, de poisson et de compote de pommes.  La plupart des enseignants de l’école Paul Verlaine préféraient manger là, pour pouvoir corriger entre midi et deux et par la même rentrer plus rapidement le soir. Ainsi, les odeurs de tous les plats pré-cuisinés que l’on peut trouver dans le commerce se faisaient sentir dès que l’on pénétrait dans la salle.
-    C’est quand même incroyable que l’administration puisse être autant incapable !
Lisa ne prit pas la peine de répondre. Elle haussa les épaules et se dirigea vers le micro-onde, qui venait enfin de se libérer. Elle n’avait jamais compris ce besoin presque viscéral qu’avaient certains de ses collègues de refuser catégoriquement l’appellation "instit". Après tout, il y a bien longtemps qu’il n’y a plus de différences, puisque tous les instits  (qui sont passés par l’école normale), sont devenus des professeurs des écoles (avec le temps). Elle regarda Béatrice agiter son arrêté de nomination comme une preuve de l’incapacité du rectorat à faire son travail correctement, et observa les mouvements d’approbation de Luc, Sonia et Valérie.
Lisa s’entendait plutôt bien avec ses collègues. Depuis son arrivée dans l’école il y a trois ans, ils avaient déjà monté ensemble de beaux projets, avaient organisés trois repas de Noël et un pique-nique de fin d’année entre eux. Mais de manière générale, Lisa avait plutôt du mal à supporter la mentalité de prof. Bien qu’elle fasse parti du corps enseignants depuis une dizaine d’année, elle avait une aversion pour tout ce que l’on pourrait appeler les stéréotypes du prof : ceux qui râlent tout le temps, ceux qui ne savent pas faire la part des choses avec leur vie privée, ceux qui ne peuvent pas s’empêcher de ramasser du bois flotté sur la plage pour le bricolage de Noël quand ils sont en promenade avec leurs familles. Non, ça vraiment, elle avait du mal à comprendre.

[à suivre...]

mercredi 2 janvier 2013

C'est beau, la nuit.

Vingt-deux heures. On a réussi à se garer tout près de la sortie. Un étrange sourire a pris place sur notre visage, comme si c'était l'unique satisfaction de la journée. Il faut dire qu'il n'y a pas grand monde dans ce parking souterrain. On fait quelques pas, on passe la porte. Nous y sommes.

D'abord, l'odeur. La boulangerie Paul a fermé depuis longtemps, on a pourtant l'impression d'humer encore le fumé des petits pains, et la senteur âcre du café. On lève la tête, pour voir le panneau d'affichage, l'odeur du béton nous prend à la gorge. Ca sent la transpiration, la foule qui n'est plus là, le métal, le souffre, la solitude. C'est bon, il est à l'heure.

Quinze minutes à attendre. On regarde sa montre, puis les horloges. Il y en a quatre. Non cinq. On s'amuse à toutes les repérer. Celles qui clignotent en vert, près des grands écrans, celles, plus anciennes, blanches et fluorescentes là haut, sur le vieux bâtiment. Si elles pouvaient nous parler, elles en auraient des choses à dire ! Que diraient-elles, par exemple, de cet homme là, assis dans un coin, le regard triste, les mains sur ces genoux, la tête contre son sac. Est-il là depuis quelques minutes ? Deux heures ? Plus longtemps ? S'est-il arrêté pour se reposer ou bien la vie l'a-t-elle stoppé net  en plein voyage ?

C'est vide. Quelques passants, deux trois hommes et femmes qui ne s'arrêtent pas. On consulte son portable, on écoute de la musique, comme pour se donner une contenance que l'on n'a plus. La foule a disparu, laissant place à ce vide, qui nous embrasse comme la mort. L'anxiété apparaît, et si je les loupais ? Et s'ils n'arrivaient pas, finalement ? L'immensité du bâtiment fait résonner le moindre toussotement. On pourrait presque voir des fantômes, des fantômes voyageurs, et leurs valises hurlantes.

D'habitude il y a ces couples, qui s'embrassent longuement avant de se séparer devant la borne pour oblitérer les billets, il y a ces enfants qui font un caprice parce que leurs petits sacs sont trop lourds, il y a ce jeune homme à lunette, qui passe son temps à lire les magazines directement dans le kiosque et ça énerve la vendeuse... Il y a celle qui mange un sandwich sous vide au poulet en faisant tomber un morceau de tomate, celui qui tend la main pour avoir un euro pour aller aux toilettes, ou encore celle-ci qui console son bébé, dont les cris résonnent dans les hauts plafonds de l'édifice.

A vingt-deux heures, il n'y a plus rien. Juste le grincement des portes automatiques et le cri d'un SDF dehors. A peine un jeune homme qui se ronge les ongles, et ce vieux monsieur qui fait les cents pas en s'appuyant sur sa canne. On regarde les pubs. Ils sont mignons ces bébés tigres. Tiens, je lirai bien ce livre. J'ai envie d'une barre chocolatée. Il est déjà sorti ce film ? La trotteuse de l'horloge verte poursuit sa course du temps, et déjà, l'instant fatidique approche.

Au loin, le bruit d'une fuite vient perturber le silence. Des gouttes d'eau irrégulières tombent dans une flaque, dans un "plic" tonitruant. On se prend à s'intéresser à la structure du bâtiment. C'est incroyable ce mélange d'ancien et de contemporain. Il faudra penser à la replacer dans une conversation lors d'un dîner, peut-être samedi si l'occasion se présente. Sur les bas-reliefs, tout en haut, un petit enfant tire sur les jupes de sa mère. Ici bas, les enfants sont déjà couchés. Bientôt, c'est la rentrée, et avec toutes ces fêtes, il faut reprendre les bonnes habitudes. D'ailleurs, on ferait bien un petit régime. Allez, demain, je m'y mets.

Tout à coup, on se rend compte que la fausse impression de silence est simplement due à une soufflerie assourdissante. Le bâtiment respire. Il respire pour toutes ces âmes qui y passent, jour après jour. Ces mêmes âmes qui défilent, sans prêter attention à ce qui se déroule autour. Ceux qui courent pour ne pas le rater, ceux qui courent pour mieux se retrouver, ceux qui courent pour mieux s'enfuir, qui sait. Des allers, des venus, pas un regard. Alors le soir, quand tout redevient calme, l'édifice souffle, comme pour nous rappeler son imposante existence.

Et puis soudain, du monde. D'abord une jeune fille, qui rejoint le garçon aux ongles rongés. Elle l'embrasse, elle semble heureuse de le retrouver. Lui ? Moins. A suivre. Et cet homme là, qui arrive en souriant. Qui vient-il rejoindre ? Visiblement personne puisqu'à son tour il fait grincer les portes automatiques et sort d'un pas décidé. Bon, on se concentre. Où sont-ils ? On lève la tête, on se met sur la pointe des pieds, comme si le fait de gagner cinq centimètres nous permettait de mieux voir. Des visages inconnus qui défilent, des bagages à roulettes, des sacs à dos... Un homme bouscule une jeune femme. Ils se retournent et s'observent. Un coup de foudre ? Une insulte ? Ils ne se disent rien, l'homme tâte ses poches pour vérifier l'emplacement de son portefeuille. Il repart. Dommage. Ah les voilà ! On s'embrasse, on est comme soulagé de se retrouver.

Après, l'atmosphère redevient calme. Les bruits se font plus rares. Les gens aussi. Demain, dès l'aube, la scène de se théâtre de la vie sera à nouveau pleine d'acteurs. Demain, dès l'aube, les petits pains se vendront bien, et les visages disparaîtront derrière la fumée des tasses de café. Demain, dès l'aube, la vie reprendra son cours. En attendant, paisible, impassible, hormis quelques âmes errantes, elle dort.

C'est beau, une gare, la nuit.