samedi 28 mai 2016

La petite chaise...

C’est une petite chaise. Tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Un bois plutôt clair, tâché par endroits. Quatre pieds bien solides, qui ont vaincu les années. De vieilles sangles, qui ont l’air plutôt sales, mais difficiles à nettoyer. Et puis une petite tablette, sur le devant, qu’on ne peut pas enlever. Et un boulier. Cinq perles délavées, le long d’une petite barre en métal. 

Une petite chaise, comme il en existe beaucoup. Enfin, plus aujourd’hui. C’est vrai, maintenant les tablettes sont amovibles. Interactives. Bourrées de technologie. Les assises sont réglables, lavables, et d’un prix inestimable. Mais la valeur de cette petite chaise dépasse le prix de toutes les autres. 

Elle en a vu passer des derrières langés. Des premières purées de carottes. Des batailles d’épinards. Les millions de grains de semoule qui tombent de la cuillère. Les crises devant les haricots verts. Les premières glaces, les premières tâches, les coups de fourchette et les éclats de rire…

Elle était rangée là, au fond du garage. Il a fallu la retrouver. La sortir. La dépoussiérer. La retaper. La repeindre. La vernir. La nettoyer. La décaper. Resserrer les vis. Vérifier la stabilité. Gratter les sangles. Se souvenir aussi. Ou s’imaginer. Penser. Réfléchir. Faire un bond dans le temps.
C’est une petite chaise, qui pourrait tout rapporter. La vie de famille nombreuse, l’agitation permanente, les légumes du marché, et le linge que l’on met à sécher. La colère, les injustices, l’arrivée de la télé, les disques de Maxime Le Forestier, et les grandes sœurs qui viennent aider… Les vacances en famille, les visites chez mamie, les bavoirs dégoûtants, et les jouets en bois… Les petits doigts de Dominique, sur les boules du boulier, et ceux de sa fille Bénédicte, quelques années après… Aujourd’hui c’est Antoine qui peut en profiter.

Bien sûr, quand on devient maman, la vie est bouleversée. La vision du monde change, les certitudes sont envolées… Quand on devient maman, on devient une autre. Plus belle peut-être, plus sûre sans doute. Plus prête à affronter la vie, car on l’affronte pour deux, plus apte à protéger des vies, car on protège ce qu’il y a de plus cher à nos yeux… 

Quand on devient maman, on redécouvre la sienne, à travers ces objets magiques, qui explorent le temps, et parcourent les années, sans jamais oublier…